Vendredi 24 octobre 2014

Vendredi 24 octobre 2014
«Mon vrai nom est María del Rosario Fuentes Rubio.
Je suis médecin.
Aujourd’hui, ma vie prend fin.»
L’auteur de cette phrase ne mérite pas qu’on cite son nom.
Dans l’Etat mexicain de Tamaulipas, deux cartels de trafiquants de drogue rivaux  ont pris le contrôle du gouvernement, de la police et des médias.
Les journalistes qui osent parler des kidnappings, du racket et d’autres formes de violence exercées par les cartels sont assassinés.
Les journalistes n’évoquent donc plus ces sujets.
C’est dans ce contexte que s’est développée une organisation de journalisme participatif gérée par des anonymes.
A Reynosa, la ville principale de l’Etat, le réseau Valor por Tamaulipas (Courage pour Tamaulipas) a une page Facebook (plus de 500.000 abonnés) et un compte Twitter (plus de 100.000 followers) qui tiennent lieu de médias indépendants.
Une contributrice parmi ce groupe avait pris pour nom Felina.
Felina […] «était connue pour ses posts qui donnaient la localisation exacte d’incidents violents en temps réel, explique le journaliste Jason McGahan dans The Daily Beast. http://www.thedailybeast.com/articles/2014/10/21/she-tweeted-against-the-mexican-cartels-they-tweeted-her-murder.html
Les gens lui envoyaient des informations car c’était une manière pour eux de résister à l’hégémonie des cartels.
Elle écrivait pour supplier les victimes de crimes de ne pas rester silencieuses et d’en parler à la police… Elle postait des numéros de téléphone à utiliser en cas d’urgence.»
Il y a plus d’un an, les cartels avaient offert une récompense de 48.000 dollars à tout individu qui dévoilerait l’identité des administrateurs de ces comptes.
Le jeudi 16 octobre, les trafiquants ont trouvé et enlevé cette femme.
Ils ont utilisé le compte Twitter de Felina pour annoncer sa mort:     «Mon vrai nom est María del Rosario Fuentes Rubio. Je suis médecin. Aujourd’hui, ma vie prend fin.»
Ont suivi deux photos une où elle est vivante aux mains de ces criminels et une autre de son cadavre une balle en pleine tête. Puis ils ont publiés des menaces aux autres contributeurs de Valor por Tamaulipas. Malgré tout, les comptes Facebook et Twitter sont toujours actifs.
Le Mexique est désormais un des pays les plus dangereux pour les journalistes, et pour toute personne qui veut dénoncer ces criminels.
Un journal canadien analyse un peu et décrit cette terrible violence pour semer la terreur pour que personne ne s’oppose aux syndicats du crime> http://www.ledevoir.com/international/actualites-internationales/403594/narcotrafic-une-violence-glorifiee-gangrene-le-mexique
Récemment des étudiants mexicains qui manifestaient ont été enlevés et des indices semblent indiquer que des groupes d’assassins les ont massacrés : >   http://www.courrierinternational.com/article/2014/10/21/les-etudiants-disparus-auraient-ete-brules-vifs
Ce que je vous raconte là n’est pas un simple fait divers.
Je vous rappelle que l’Union européenne veut intégrer le business de la drogue dans le PIB des Pays de l’Union.
Que ce qui arrive au Mexique est aussi la conséquence d’un Etat faible qui ne dispose pas d’une administration forte et intègre. Que lorsque l’Etat recule, la nature ayant horreur du vide, les mafias prennent vite la place.
Et tout commence par une corruption endémique et générale.
Sur ce dernier point notre continent européen est sur une très mauvaise pente.
Je vous ai parlé du séminaire organisé par Mediapart sur la corruption au Théâtre de la ville. Vous le trouverez sur Youtube « <Corruption ça suffit>
Maria del Rosario Fuentes Rubio, une femme qui a fait sienne cette parole d’Emiliano Zapata qui fut l’un des principaux acteurs de la révolution mexicaine de 1910 : « Mieux vaut mourir debout que de vivre à genoux »
Né en 1879, lui aussi fut assassiné le 10 avril 1919.
Maria del Rosario Fuentes Rubio est une femme parmi d’autres femmes et hommes mexicains qui ne se résolvent pas de vivre à genoux.
Ce mot du jour n’est pas poétique, ne décèle pas un gramme d’humour, il n’est qu’un cri de révolte et de colère. > http://www.slate.fr/story/93735/cartel-mexique-felina