Jeudi 6 février 2020

« Islamophobie »
Mot piège

En réponse à mon premier article de cette série, Lucien a répondu :

« Les mots peuvent être des armes, certains sont des larmes ! »

Certains mots sont aussi des « pièges, des ruses, des escroqueries »

C’est indiscutablement le cas du mot « islamophobie ».

Et comme je l’écrivais lors de ce premier article, il faut expliquer un mot par d’autres mots imparfaits, incomplets pour comprendre la globalité d’un sujet.

Essayons donc, de faire œuvre de pédagogie, de rigueur et de lucidité.

Dans la rigueur du français, ce mot signifie la phobie de l’islam.

La « phobie » c’est avant tout la crainte de quelque chose.

Wikipedia nous apprend que le mot vient du grec ancien « φόβος » / « phóbos, » qui signifie frayeur, crainte ou répulsion et signifie une peur démesurée et dépendant d’un ressenti plutôt que de causes rationnelles, d’un objet ou d’une situation précise.

Ce terme est particulièrement utilisée en médecine : pour « agoraphobie », peur de la foule et des lieux publics, «  claustrophobie », peur des lieux clos, il existe même la « cancérophobie » je ne crois pas nécessaire d’expliquer.

L’arachnophobie, la peur des araignées est très répandue.

La phobie de l’islam signifie donc la peur de l’islam.

Mais les utilisateurs crispés et excités de ce mot entendent dire autre chose : la haine des musulmans, c’est-à-dire des êtres humains qui professent la foi de l’islam ou plus largement qui sont reconnus comme appartenant à la communauté musulmane par leur naissance, par leur famille. Ils veulent donc dire « anti-musulmans »

Cela n’a rien à voir.

  • L’islam est une religion, une idéologie, un concept.
  • Le musulman est un être humain, un citoyen qui dispose de la liberté de conscience.

La loi française protège le second de l’injure, de la menace, de la haine.

Elle ne fait rien de tel pour la première : la religion, l’idéologie.

Le terme d’islamophobie constitue donc un piège, un subterfuge qui veut se servir de la liberté de conscience des citoyens pour interdire la critique de l’islam.

Rien ne permet de mieux illustrer ce point que « l’affaire Mila » et surtout les réactions qui ont été causées par elle.

Je vais raconter l’histoire de Mila en reprenant les éléments qu’apporte <20 minutes> et d’autres que j’ai trouvé ailleurs, comme <cette vidéo> dans laquelle la jeune fille raconte sa version des faits.

Mila est une lycéenne, elle est originaire de l’Isère et elle a 16 ans

Cette jeune fille se revendique lesbienne. Elle a posté une vidéo, samedi 18 janvier sur instagram, dans laquelle elle parlait de chant. Ensuite, les choses sont moins claires, elle aurait échangé avec une autre fille de relations amoureuses. Il semble qu’il a été question à un moment d’une discussion avec une autre fille dans laquelle les deux ont marqué leur accord sur le fait que les arabes, « rebeux » dans le texte n’étaient pas «leur truc» pour ce type de relations. La discussion s’est envenimée, et des jeunes ont commencé à la traiter de « sale lesbienne » puis de « sale raciste » et aussi d’ « islamophobe » et elle affirme des insultes « plus hard ». Et puis la discussion a dérivé sur la religion et c’est là que Mila a dit (selon 20 minutes) :

« Le Coran est une religion de haine […] Votre religion, c’est de la merde, votre Dieu je lui mets un doigt dans le trou du cul, merci au revoir ».

Il est vrai et je peux le reconnaitre que l’argument scatologique ainsi que la préconisation d’un coït anal digital divin n’apporte rien au débat et n’élève pas la pensée.

Cette jeune fille dans un moment d’énervement a utilisé l’injure, elle aurait pu s’abstenir.

Et elle a d’ailleurs eu des paroles d’explications et d’excuses dont se fait l’écho <La nouvelle Tribune> :

« Je ne regrette absolument pas mes propos, c’était vraiment ma pensée », a notamment déclaré l’ado lors de son passage sur le plateau de l’émission. Elle a tout de même voulu présenter ses excuses à celles et ceux qui se sont sentis blesser par ses déclarations.

Je m’excuse un petit peu pour les personnes que j’ai pu blesser, qui pratiquent leur religion en paix, et je n’ai jamais voulu viser des êtres humains, j’ai voulu blasphémer, j’ai voulu parler d’une religion, dire ce que j’en pensais », a-t-elle ajouté. »

Elle dit donc clairement qu’elle a voulu exprimer son opinion sur l’islam et elle souhaitait blasphémer.

Ce qui est totalement et absolument autorisé et accepté par la Loi et les textes fondamentaux français.

Dans toutes les versions de la phrase polémique, il n’est jamais question de personnes, de musulmans. Il est question d’une idéologie, d’une doctrine que Mila n’aime pas.

Cette histoire qui aurait pu rester dans un cercle très restreint, une sorte « d’embrouille » entre jeunes n’aurait pas dû s’étendre à une discussion nationale.

Mais c’est la suite qui est importante. La jeune fille a immédiatement été la cible d’une vaste campagne de cyberharcèlement, d’insultes et de menaces de mort avec toute la gradation de sévices qu’entendent pratiquer les fous de de Dieu à l’égard de celles et ceux qui leur déplaisent. Certains internautes ont dévoilé l’identité de la jeune fille, son adresse, et même celle de son lycée. La jeune fille a déclaré :

« Je recevais 200 messages de pure haine à la minute ».

Face à cette vague de haine, la jeune fille a dû être « déscolarisée » a indiqué à 20 Minutes le rectorat de Grenoble.

« Le proviseur de son établissement, situé dans le nord Isère, a procédé dès lundi matin à un signalement auprès du procureur de la République, et auprès de la plateforme Pharos [service de la police nationale chargé de la lutte contre la cybercriminalité]. La lycéenne, élève de seconde, ne s’est pas présentée en cours cette semaine »

Le ministre de l’intérieur a déclaré que la jeune fille et sa famille ont été mises sous protection policière.

Deux affaires ont été portées devant la justice, l’une, comme il se doit, contre les personnes ayant proféré des menaces de mort, l’autre plus étonnante contre Mila avec pour motif : «provocation à la haine à l’égard d’un groupe de personnes». Cette seconde affaire est sans fondement, Mila a attaqué l’islam non les musulmans.

Et la <Justice Française> a fait son devoir et a rejeté cette accusation ;

«Dans un communiqué diffusé jeudi 30 janvier, le parquet de Vienne a indiqué que les investigations «n’ont révélé aucun élément de nature à caractériser une infraction pénale (…) L’enquête a démontré que les propos diffusés, quelle que soit leur tonalité outrageante, avaient pour seul objet d’exprimer une opinion personnelle à l’égard d’une religion, sans volonté d’exhorter à la haine ou à la violence contre des individus à raison de leur origine ou de leur appartenance à cette communauté de croyance».

L’autre pour identifier les internautes ayant exprimé les menaces de mort continue.

Mais l’affaire ne s’arrête pas là.

Il y a d’abord Abdallah Zekri qui dirige l’Observatoire national contre l’islamophobie et qui est délégué général du CFCM qui a tenu des propos inacceptables.

Je rappelle que le Conseil français du culte musulman (CFCM) est une association française régie par la loi de 1901, placé sous l’égide du ministère de l’Intérieur, et qui a vocation à représenter les musulmans de France auprès des instances étatiques pour les questions relatives à la pratique religieuse. Il a été mis en place alors que Sarkozy était ministre de l’Intérieur.

Après avoir condamné les menaces de mort il a rejeté sur Mila la responsabilité de ce qui lui arrive. <Marianne le cite> :

« Cette fille, elle sait ce qu’elle a dit. Elle a pris ses responsabilités. Qu’elle critique les religions, je suis d’accord, mais d’insulter et tout ce qui s’ensuit… Maintenant, elle assume les conséquences de ce qu’elle a dit.” Lorsque les chroniqueurs de Sud Radio lui ont fait remarquer que Mila avait réagi, certes avec outrance, à des insultes, le délégué général du CFCM a affiché ses doutes : “Est-ce qu’on lui a dit ‘sale française’ ? Ou est-ce qu’elle le dit pour se faire plaindre ? Vous la croyez, cette fille-là ? Moi je ne la crois pas.” Quand l’avocate Yael Mellul indique à Zekri qu’il peut difficilement dire que Mila “n’a que ce qu’elle mérite”, celui-ci rétorque : “Si, je le dis. Elle l’a cherché, elle assume. Les propos qu’elle a tenus, je ne peux pas les accepter. »

Il ignore probablement qu’il habite le pays de Voltaire, de Hugo, de Jaurès, de Camus.

Beaucoup plus grave : La ministre de la Justice Nicole Belloubet sur Europe 1 a fait la même dichotomie.

Elle a donc condamné les menaces de mort et puis dans un même élan, je dirais sur le même plan elle a jouté :

«L’insulte à la religion, c’est évidemment une atteinte à la liberté de conscience, c’est grave»

Les bras m’en tombent !

Il y a deux énormités dans ce qu’elle raconte

La première c’est de mettre sur le même plan des menaces de mort, de viols et tout ce qui s’en suit donc très clairement un appel à la haine vers une personne physique et quelques insultes à une religion. Elle est donc exactement sur la même longueur d’onde qu’ Abdallah Zekri les insultes peuvent expliquer les menaces de mort !

La seconde est encore plus grave. Nous avons donc une Ministre de la Justice qui ignore ce point fondamental du Droit en France : le blasphème n’existe pas.

D’ailleurs les juges connaissent le Droit et ont jugé l’affaire dans ce sens.

L’avocat Richard Malka lui a répondu de manière cinglante : «Non, Madame Belloubet, injurier l’islam n’est pas une atteinte à la liberté de conscience!»

Et on voit bien ce que je dénonçais au début, le mot islamophobie est un piège puisque lentement on en vient à accepter dans les esprits le concept de blasphème.

Je me souviens, un jour dans notre cuisine, peu de temps après la tuerie de Charlie Hebdo, un jeune lecteur du mot du jour m’a interpellé :

« Tu ne trouves pas qu’on en fait un peu trop sur cette affaire »

Je me souviens de ma sidération et j’ai trouvé un dessin de presse qui mieux que les mots exprime la situation.

Je partage le tweet de Raphaël Enthoven :

« #JeSuisMila car le blasphème n’est pas un délit, mais une œuvre de santé publique. »

Et Charlie Hebdo qui ose ce titre : <Affaire Mila : le droit au blasphème fait fuir les lâches>

L’islam a un grand problème, comme le christianisme et le judaïsme : c’est une religion monothéiste.

Et Régis Debray a magnifiquement synthétisé le problème :

« Non seulement, ces religions [monothéistes] entendent régler nos mœurs et notre vie intime mais ce sont elles qui ont liées la notion de croyance et la notion de vérité et ça c’est de la dynamite. »

La confusion entre la croyance et la vérité !

Et pendant des siècles chaque fois qu’ils disposaient du pouvoir temporel elles ont imposé leur terreur, tuant les blasphémateurs et les incroyants.

Les religions ont insulté et traité de manière ignoble toutes celles et ceux qui ne suivaient pas « leur vérité ».

Le blasphème, c’est-à-dire la critique du sacré a été un formidable progrès dans nos sociétés. C’est une libération

Et l’islam est hélas aujourd’hui la seule religion qui de manière officielle continue à tuer pour le blasphème dans certains pays.

C’est là qu’il faut interrompre tous ces mots imparfaits qui essayent de décrire le problème que pose l’utilisation du mot islamophobie.

Pour en dire d’autres qui nuancent et apportent des précisions.

Il y a une très grande majorité de musulmans en France qui vivent leur Foi de manière apaisée et qui sont parfaitement intégrés dans les valeurs de la République.

Et puis il y a des musulmans qui tentent de faire évoluer les mentalités. C’est Annie qui m’a fait découvrir cette remarquable émission du dimanche matin sur France Culture : <Questions d’islam> par Ghaleb Bencheikh le dimanche entre 7 heures et 8 heures. Des réflexions d’une hauteur de vue remarquable.

La dernière émission avait invité l’essayiste Malik Bezouh qui a écrit un livre dont la couverture est déjà tout un programme :

Il dit :

« Blasphème, homosexualité, masturbation, athéisme… la puissance du tabou qui enveloppe ces thèmes rend presque impossible tout débat en islam. Figé politiquement par un despotisme empêchant l’émergence d’une réflexion apaisée et rationnelle, englué dans un conservatisme religieux anachronique, et travaillé en profondeur par des courants réactionnaires, le monde islamique, hétérogène, complexe, est à la peine lorsqu’il s’agit de considérer sereinement ces sujets, pourtant fondamentaux. Marqueurs d’une modernité enfantée par un Occident jadis chrétien, hier colonisateur, aujourd’hui sécularisé, ces questions génèrent des crispations parfois paroxystiques comme en attestent les attentats commis sur notre sol depuis quelques années. Aujourd’hui, l’islam est à la croisée des chemins. »

Vous pouvez écouter cette émission derrière <ce lien>

Une autre réalité à dire, c’est qu’il existe une haine anti-musulmane et anti-arabe dans une partie de la population française.

Inacceptable bien sûr, mais l’islamophobie n’est pas le bon mot pour décrire cela.

Wikipedia cite Caroline Fourest et Fiammetta Venner qui affirment,

« en 2003, que le mot a pour la première fois été utilisé en 1979 par les mollahs iraniens, puis réactivé « au lendemain de l’affaire Rushdie, par des associations islamistes londoniennes comme Al Muhajiroun ou la Islamic Human Rights Commission », pour justifier en 1990 la fatwa contre l’écrivain Salman Rushdie, pour condamner à mort Taslima Nasreen et plusieurs autres intellectuels musulmans pour des écrits jugés blasphématoires. Elles ajoutent que le terme est toujours utilisé par le régime iranien pour condamner toute production artistique jugée blasphématoire, comme l’accusation d’islamophobie lancée en 2007 par Mehdi Halhor contre le dessin animé Persepolis, réalisé d’après la bande dessinée de Marjane Satrapi. »

Et c’est une idéologie nocive qui vient de certains pays musulmans archaïques et intolérants et qui tentent grâce à leurs formidables pouvoirs financiers d’infiltrer la société française musulmane pour l’éloigner du modèle républicain et la faire muter vers des mœurs régressifs et un formidable recul de la liberté de pensée et d’opinion.

Ils utilisent le mot «islamophobie » pour souder une communauté de plus en plus large, empêcher la critique et la dénonciation de leur entreprise sournoise.

Saviez-vous que lorsque le CFCM a été créé, le gouvernement français a renoncé à ce que la charte de l’Islam au cœur de cette création ne contienne le droit fondamental de changer de religion :

« En novembre 1999, Jean-Pierre Chevènement entame une consultation large rassemblant toutes les fédérations musulmanes, les grandes mosquées et certaines personnalités3 et leur soumet un texte qui ne pouvait « faire l’objet d’une négociation », mais qui a cependant été amendé. Le texte initial ajoutait que cette convention : « consacre notamment le droit de toute personne à changer de religion ou de conviction ». Assimilée à un acte d’apostasie, cette précision sur le droit à changer de religion ou de conviction était pour Jean-Pierre Chevènement cruciale. Elle soulevait la question de la liberté religieuse. Si un musulman est libre de changer de religion, sa décision supplante celle du groupe. Inversement, pour un individu soumis à la communauté des croyants, cette soumission prime sur celle qu’il doit à la nation.

Après de longues discussions, Chevènement obtint dans un premier temps un engagement sur ce point, mais celui-ci fut finalement retiré à la demande des autorités musulmanes. Le pacte fut signé le 28 janvier 2000. Si Alain Billon, conseiller de Chevènement, considère le texte comme « expression positive de laïcité », il souleva immédiatement des critiques qui portent précisément sur le droit de changer de religion : ainsi, pour Leïla Babes et Michel Renard, « les pouvoirs publics, en acceptant d’altérer un texte présenté comme “non négociable”, introduisent un état d’exception qui pourrait se révéler préjudiciable pour l’intégration de l’islam dans le cadre du droit. »

C’est sidérant !

Cela ne change rien au Droit français et à la liberté d’opinion.

Mais cela prouve bien le problème que posent certains idéologues de l’Islam à notre République et à notre manière de penser la liberté.

« Islamophobie » est vraiment un mot important de l’actualité française.

Et certains hommes de gauche se perdent dans ce combat qui n’est pas un bon combat.

Et j’espère que personne ne doutera que je pense que le combat contre la haine des musulmans ou le racisme anti-arabe sont, quant à eux, de très bons combats.

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