Jeudi 26 septembre 2019

« Puissance de la douceur »
Anne Dufourmantelle

J’avais prévu de consacrer le mot d’aujourd’hui au livre de Pierre-Henri Castel « Le mal qui vient » que j’ai lu pendant ces vacances.

J’ai essayé, mais je n’y arrive pas. Alors j’en parlerai plus tard, ou pas.

Alors je vais partager une petite vidéo (5 mn) que j’ai trouvée par hasard pendant ces vacances : <Anne Dufourmantelle – Puissance de la douceur>

« La puissance de la douceur » est un livre qu’Anne Dufourmantelle a écrit et publié en juin 2013

Après avoir partagé la vidéo avec Annie, elle a immédiatement souhaité l’acheter et a commencé à le lire depuis peu.

J’avais entendu parler de cette psychanalyste et philosophe, en raison des circonstances de son décès, mais je ne l’avais pas encore approché.

Tous les médias avaient, en effet, parlé de sa mort tragique, le 21 juillet 2017, sur la plage de Pampelonne, près de Ramatuelle (Var), en portant secours à deux enfants dont le fils d’un de ses amis âgé de 13 ans, qui était en train de se noyer. Ces enfants étaient allés se baigner alors qu’il y avait un très fort vent et des vagues, avec drapeau orange puis rouge. Au cours de ce sauvetage, elle a succombé à un arrêt cardiaque car elle souffrait d’une faiblesse cardiaque. Son action n’avait pas été vaine parce que des sauveteurs sont intervenus et ont sauvé les deux enfants.

Anne Dufourmantelle avait 53 ans.

Elle était aussi chroniqueuse à Libération. Libération lui avait rendu hommage dans son <numéro du 23 juillet 2017> :

« Douceur, c’est le premier mot qui vient à l’esprit quand on pense à Anne Dufourmantelle, philosophe et psychanalyste, décédée tragiquement ce 21 juillet après-midi […] «Quand il y a réellement un danger auquel il faut faire face […], il y a une incitation à l’action très forte, au dévouement, au surpassement de soi», nous confiait en 2015 celle qui faisait l’Éloge du risque. […]

Notre peine est immense car Anne Dufourmantelle était chroniqueuse à Libération, mais c’était surtout une amie. On se souvient de la douceur de sa voix, inquiète, quand elle nous appelait chaque mois pour savoir si sa chronique était à la hauteur de nos attentes. Et elle l’était. Depuis deux ans dans nos colonnes, comme dans l’ensemble de son travail, Anne Dufourmantelle, spinoziste, questionnait le rapport entre la fatalité et la liberté, ce qui fait qu’une vie s’ouvre à la liberté malgré les conditionnements, les fidélités, les obéissances. […] Ses mots, son intelligence, sa douceur nous manqueront, parce qu’ils nous aidaient à prendre le risque de s’ouvrir à l’autre et au monde. »

<Le Monde> rapportait

« A la question « Peut-on vivre sans prendre de risque ? », elle avait répondu : «  La vie tout entière est risque. Vivre sans prendre de risque n’est pas vraiment vivre. C’est être à demi-vivant, sous anesthésie spirituelle. (…) Le risque commence dans les plus petits détails et gestes de la vie. Sortir de ses gonds, de ses habitudes, c’est déjà un risque. C’est se laisser altérer, c’est rencontrer l’altérité dans chaque événement. » »

Elle avait consacré un ouvrage au risque « Éloge du risque »

Et l’Obs ajoutait :

« Dans «La Femme et le sacrifice», elle montrait en quoi «la féminité a partie liée depuis très longtemps avec le sacrifice» à travers le récit des vies d’héroïnes mythologiques comme Antigone ou Iphigénie, mais aussi à travers des existences de femmes anonymes, les femmes «d’à côté».

Interrogée au sujet cette notion de sacrifice sur France Culture, elle expliquait notamment que «le mouvement du sacrifice est aussi un aller vers la vie». En 2011, elle publiait «Éloge du risque», livre dans lequel on pouvait lire ces mots: «Risquer sa vie est l’une des plus belles expressions de la langue française.» «

La revue Psychologies lui avait également consacré un bel hommage : <Anne Dufourmantelle, une lumière s’éteint>

Mais revenons à « la puissance de la douceur ».

Dans le monde de la compétition et de la performance la douceur est souvent assimilée à de la faiblesse ou de la mièvrerie. On préconise même l’agressivité dans l’action. La douceur suppose la reconnaissance de la vulnérabilité de ce qui est approché, touché, caressé. Pour Anne Dufourmantelle la douceur est une puissance !

La « Puissance de la douceur » débute ainsi :

« La douceur est une énigme. Incluse dans un double mouvement d’accueil et de don, elle apparaît à la lisière des passages que naissance et mort signent. Parce qu’elle a ses degrés d’intensité, parce qu’elle a une force symbolique et un pouvoir de transformation sur les êtres et les choses, elle est une puissance.

Une personne, une pierre, une pensée, un geste, une couleur… peuvent faire preuve de douceur. Comment en approcher la singularité ? Son approche est risquée pour qui désire la cerner. A bien des égards elle a la noblesse farouche d’une bête sauvage. Il semble qu’il en aille ainsi de quelques autres espèces rares. L’innocence, le courage, l’émerveillement, la vulnérabilité, en marge des concepts arraisonnés par la grande histoire de la pensée sont eux aussi regardés d’un œil inquiet par la philosophie »

L’auteure a mis en exergue de son livre cette phrase de l’empereur stoïcien Marc Aurèle

« La douceur est invincible ».

La Revue <Muze> explique : .

« Car si l’on y réfléchit bien, et si l’on se reporte un instant à ses souvenirs d’enfance, on retrouvera cette force insaisissable, ce pouvoir de persuasion et d’enchantement, ce mouvement d’accueil et de don à la fois, cette langue intime qui s’adresse tout autant à l’esprit et au corps. La douceur tisse autour de l’enfant un halo de sens informulé mais pénétrant, dans une constante réciprocité qu’illustre au mieux l’image du petit endormi, qui nous renvoie nous-mêmes à cet abandon initial dont nous provenons. De cet échange muet, nous conservons à jamais la trace, celle de toutes les métamorphoses, dans les moments de fragile incertitude où nous développons nos potentialités.

« Si la douceur était un geste, elle serait caresse » imagine l’auteure »

La douceur anime une collection de sentiments où gravitent mansuétude et amour, indulgence et pardon, harmonie ou pitié, soin et souci de l’autre – ce que les anglo-saxons ont nommé le « care » comme l’a rapporté Nancy Fraser que j’ai citée ce mardi.

Le soin a toujours été associé à la douceur, qui même si elle ne suffit pas à guérir, si elle ne s’autorise d’aucun pouvoir ni savoir, ajoute au soin une relation de compassion qui revient à souffrir avec l’autre, à reconnaître par là-même sa propre vulnérabilité, mais à éprouver la souffrance d’autrui en se gardant d’y céder, de manière à porter secours.

Sans avoir fini l’ouvrage, Annie est enchantée de ce qu’elle lit.

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2 réflexions au sujet de « Jeudi 26 septembre 2019 »

  • 26 septembre 2019 à 7 h 39 min
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    j’avance lentement dans la lecture de ce beau livre, je suis toujours tentée de revenir en arrière , relire un passage dont je sens qu’il y a plusieurs niveaux de compréhension possible, et je pars dans des rêveries …
    j’ai beaucoup entendue ce mot “douceur” comme une de mes qualités, mais j’entendais aussi que cela pouvait être un défaut. j’entendais ce qui n’était pas dit : ” comme elle est douce!” … c’est à dire un peu naïve … j’entendais entre les mots aussi “on pourra faire comme on veut, elle ne dira rien” douceur dans notre société est souvent associé à passivité, silence, soumission…
    on associe souvent ce mot “douceur” comme une qualité pour une femme et un défaut pour un homme …
    Quelle bonheur ne serait-ce que de lire ce titre “puissance de la douceur”! … quelque chose se redresse à l’intérieur et tout se met à sa juste place. oui la douceur est une puissance et chacun de nous en a besoin, notre monde en a besoin.
    je suis au chapitre “langues sources”, il est question d’étymologie. je viens d’y lire : “la douceur concerne d’emblée la question de l’être ensemble” …

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  • 26 septembre 2019 à 9 h 43 min
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    La conclusion du commentaire d’Annie me semble résumer à lui seul les limites du propos: ““la douceur concerne d’emblée la question de l’être ensemble” …
    Il faut le regretter mais la douceur assumée dépend essentiellement du contexte, de la position ou statut de celui ou celle qui l’exprime

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