Vendredi 16 novembre 2018

« La dislocation de l’Autriche-Hongrie »
Une des conséquences majeures de la défaite des empires centraux.

La planète comptait 53 États indépendants et souverains en 1914. En 1932, elle en rassemblait 77.

Par comparaison l’ONU compte, aujourd’hui, 193 États membres.

Mais revenons aux conséquences de la première guerre mondiale dont la partie la plus visible fut le démantèlement des Empires ottomans et Austro-Hongrois.

L’empire d’Autriche Hongrie représentait un immense territoire au milieu de l’Europe.

Sur la carte de 1914 que nous voyons ici, on constate qu’il avait un empire encore plus grand comme voisin, l’Empire de Russie. Le pouvoir tsariste va s’effondrer, Lénine va rapidement faire la paix avec les puissances centrales et abandonner ses alliés français et anglais.

Nous savons que les relations franco-anglaises ont toujours été conflictuelles. Le plus souvent ces deux Etats étaient ennemis. En tout cas, la Grande Bretagne a toujours été dans des coalitions contre la France, tant que la France constituait la puissance militaire continentale la plus forte.

Mais la guerre de 1870 et la création du 2ème empire, du deuxième Reich en langage tudesque a complétement changé la donne. La puissance continentale principale devenait l’empire allemand. Et ce que jamais la France n’est parvenu à faire, la puissance industrielle allemande a concurrencé puis dépassé celle du Royaume Uni. Insupportable pour cette dernière et elle fit donc alliance avec la France bien que cette dernière était une concurrente du point de vue de l’empire colonial. Mais moins forte que la perfide Albion, ce qui convenait à cette dernière. Mais ce passé explique que l’entente franco anglaise était pleine d’arrière-pensées.

Le véritable allié de la France était l’Empire Russe.

La guerre, la révolution bolchevique ont conduit à ce que la France qui était entrée dans la guerre avec l’alliance russe, en est sortie avec l’alliance américaine.

Le corps expéditionnaire d’Orient qui est illustré par le film “Capitaine Conan” sera d’ailleurs en partie engagé dans la guerre civile russe contre les bolcheviques et du côté des « blancs ».

Nous en sommes encore là. Il y chez certain politiques la nostalgie de la vieille alliance avec la Russie, mais pour l’instant et malgré l’histrion Trump, notre allié reste les Etats-Unis. Ceci remonte à 14-18.

L’empire russe à la sortie de la guerre va devenir l’Union Soviétique et ne perdra pratiquement aucun territoire. La seconde guerre mondiale renforcera sa puissance et lui permettra de soumettre des Etats vassaux dans une organisation entièrement dominée par elle : le Pacte de Varsovie.

Si la Russie se transforme en Union Soviétique militairement plus fort que la Russie, ce n’est pas le cas de l’Autriche-Hongrie.

J’avais consacré le mot du jour du 24/06/2014 à «La Cacanie» dont parlait Robert Musil dans son roman « L’homme sans qualités » pour désigner l’empire austro-hongrois avant la première guerre mondiale. Car cet empire avait pour nom précis L’empire d’Autriche et Royaume de Hongrie ce qui donnait en allemand : Kaiserliche und Königliche Österreichisch-Ungarischen, c’est-à-dire Kaiser Empereur et König Roi d’où KK et donc Cacanie

La Cacanie était un empire qui est le contraire d’un État nation.

L’État nation peut comprendre des minorités mais pour l’essentiel est constitué d’un peuple national qui s’approprie l’État ou dit autrement obtient sa souveraineté par l’État.

L’Allemagne était un État nation en 1914.

Quand on regarde une carte de l’Autriche Hongrie, on constate que l’Empire est composé,d’une multitude de nations.

Et cette carte est particulièrement intéressante pour l’Européen d’aujourd’hui.

Il est question des « Croates » aujourd’hui il existe un État Croate, même que ce fut l’adversaire de la France en finale de la coupe du monde de football. Mais la Croatie ne date pas de 1918, il fallut une autre guerre pour que cet État se crée en 1991..

Alors, s’il n’existe pas de Ruthènie, mais aujourd’hui il existe la Slovaquie, la Slovénie, la Tchéquie et même quelques autres..

Nous avons parlé, hier, de la création de la Pologne qui a repris son territoire en amputant la Russie et l’Allemagne, mais aussi l’Autriche Hongrie qui occupait un territoire autour de Cracovie.

En principal cependant le démantèlement de l’Empire austro-hongrois consista dans la création de 4 États :

  • L’Autriche, le cœur de l’empire et sa capitale, Vienne, désormais disproportionnée, se resserre dans un tout petit État qui est devenu une République. Les dirigeants souhaitaient fusionner avec l’Allemagne, les anglo-saxons trouvaient l’idée acceptable, mais pas la France qui a opposé un veto à cette perspective;
  • La Hongrie, qui était le royaume à l’intérieur de la Cacanie et disposait de ses propres chambres législatives. Elle aussi rétrécit de manière considérable : perte des deux tiers de son territoire et de près des deux tiers de sa population (qui passait brusquement de 20 à 7,6 millions d’âmes). Les Hongrois garde la nostalgie de ce qu’ils appellent la « Grande Hongrie» qui fit aussi l’objet d’un mot du jour.
  • La Tchécoslovaquie qui regroupait les nations tchèques et slovaques
  • La Yougoslavie qui regroupait les nations serbes, croates, bosniaques, slovènes.

La Tchécoslovaquie est sortie du traité de Saint-Germain-en-Laye outre le Tchèques et les Slovaques, ce nouvel État inclut aussi des minorités allemandes, ruthènes, hongroises, polonaises. La minorité allemande des sudètes constitua le prétexte pour Hitler d’occuper d’abord le territoire des sudètes après le sombre épisode des accords de Münich, puis tout le territoire tchécoslovaque. Hitler qui était autrichien, considérait l’annexion de ce jeune Etat comme un juste retour dans l’Empire Allemand qui avait fusionné avec l’Autriche.

Après la seconde guerre mondiale, la Tchécoslovaquie retrouva son indépendance, indépendance limitée par son appartenance au bloc soviétique. Mais quand le communisme s’effondra à l’est, les nations qui n’avaient pu devenir État-nation en 1918 prirent leur revanche et la Tchécoslovaquie donna naissance à la Slovaquie et la République Tchèque le 31 décembre 1992 à minuit. Cette séparation se passa dans le calme et la paix.

Tel ne fut pas le cas de la dislocation de la Yougoslavie.

Mais avant la dislocation il a fallu la créer. La Yougoslavie fut créée le 1er décembre 1918 sous le nom de Royaume des Serbes, Croates et Slovènes.

Le nom Yougoslavie signifiant pays des Slaves du Sud.

En réalité la création de la Yougoslavie est la récompense accordée à la Serbie qui était du côté des alliés et notamment l’allié de la France. Rappelons que c’est la déclaration de guerre de l’Autriche-Hongrie contre la Serbie qui de manière factuelle entraîna toutes les autres déclarations de guerre dans les jours qui ont suivi et qui a ouvert la première guerre mondiale.

Cette déclaration de guerre qui avait pour prétexte le fait que la Serbie refusa, comme tout état souverain qui se respecte, de laisser entrer des policiers autrichiens sur son territoire pour poursuivre le groupe qui aida le bosniaque Gavrilo Princip à assassiner l’archiduc François-Ferdinand d’Autriche le 28 juin 1914 à Sarajevo.

On constate donc que le territoire de la future Yougoslavie fut au cœur de ces évènements qui déclenchèrent la grande guerre.

Mais au sein de la Yougoslavie, la rivalité entre nations fut toujours vive pour finalement déboucher sur la terrible guerre de Yougoslavie.

Wikipedia précise qu’

« Immédiatement, des désaccords se manifestent à propos des termes de l’union proposée avec la Serbie. Au projet fédéraliste d’inspiration germanique, défendu surtout par les Slovènes et les Croates, s’oppose le projet jacobin et centralisateur d’inspiration française, défendu surtout par les Serbes. Svetozar Pribićević, un Serbe de Croatie, président de la coalition croato-serbe et vice-président de l’État, souhaite une union immédiate et sans condition. D’autres, en faveur d’une fédération yougoslave, étaient plus hésitants, craignant que la Serbie n’annexe simplement les territoires sud-slaves de l’ex-Autriche-Hongrie. »

Ce paragraphe nous apprend deux points importants, le premier est la désunion des nations de la Yougoslavie et le second est que les Croates furent toujours soutenus par les allemands et les Serbes par la France.

L’entourage du Président Macron a complément oublié ce point, ah les jeunes qui ne connaissent pas l’Histoire !, en ne donnant pas la juste place au Président de la Serbie lors de la cérémonie de l’Arc de Triomphe le 11 novembre 2018.

Le président serbe fut relégué sur une tribune annexe, alors que sur la tribune principale se trouvait le premier ministre israélien, alors qu’Israël n’existait pas en 1918 et Erdogan le président de la Turquie ennemie.

Mais cette désunion fut aussi sensible et contre-productive lors du déclenchement de la guerre civile en Yougoslavie dans les années 1990, car les allemands et les français plutôt que d’œuvrer pour la paix et la réconciliation avaient retrouvé leurs pulsions anciennes : la première aidant la Croatie et l’autre allant soutenir la Serbie. Après les horreurs de cette guerre civile, l’Allemagne et France retrouvèrent la raison et eurent une position plus positive. Mais comme toujours, depuis 14-18, c’est à nouveau l’intervention de l’Allié américain qui mit fin à cette guerre.

Pour finir ce mot du jour écrit un peu rapidement, mais qui laisse percevoir combien cette Histoire reste prégnante dans l’Europe d’aujourd’hui, voici la carte de l’Europe après 14-18 et les guerres qui ont suivi immédiatement. Cette carte qui changera encore beaucoup après l’effondrement du bloc soviétique.


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2 réflexions au sujet de « Vendredi 16 novembre 2018 »

  • 17 novembre 2018 à 16 h 16 min
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    Bonjour Alain,

    J’adore l’histoire. Passionnant, ce résumé!
    Oh que oui, les plus jeunes ne connaissent pas l’histoire…
    Et moi qui ne fait pas encore partie des vieux vient d’apprendre que le sud de la Pologne était dans l’Empire d’Autriche Hongrie…. et aussi que mes ancêtres slovaques venus en France à Roanne après 1918 venaient de cet Empire.

    Amitiés.
    Bises à Annie et aux enfants.

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    • 17 novembre 2018 à 21 h 09 min
      Permalink

      Oui Jacques, concernant l’ignorance que je dénonce, la Serbie fut le pays qui en proportion de sa population a subi la plus grande perte : 1,2 million de mort au cours du conflit ce qui représente 28 % de sa population.

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