Mercredi 7 novembre 2018

« Attention les vieux ! »
Un jeune enfant sur une trottinette

Avec Annie, nous marchions tranquillement, côte à côte sur le trottoir tout près de notre domicile.

L’espace disponible sur ce trottoir est diminué en raison d’arbres majestueux qui embellissent la rue.

Un enfant de 4 ou 5 ans, juché sur une trottinette, à laquelle par une action vigoureuse il tentait de donner une belle vitesse, arrivait à notre rencontre.

Je sentais une légère angoisse chez ce tout petit homme dont le visage esquissait un sourire crispé.

Il n’était pas sûr de pouvoir nous éviter et je pense qu’il éprouvait aussi une crainte de ne pas pouvoir freiner suffisamment.

Devant cette situation complexe et stressante, il a pensé que la meilleure solution était d’en appeler à notre bienveillance.

Il a alors lancé d’une voix forte et assurée :

« Attention les vieux !»

Notez-bien que dans l’échelle des impertinences, il aurait pu aller plus loin en criant : « Poussez-vous les vieux !». Mais il n’a pas du tout usé de cette injonction autoritaire, simplement pour nous préserver d’un choc qui aurait pu nous être préjudiciable, il a tenté de nous convaincre qu’il vaudrait mieux que nous nous écartions.

Nous n’étions pas tout à fait seul sur ce trottoir, mais nous étions les seuls qui marchions côte à côte.

Et pour nous distinguer des autres piétons, il a cherché à nous caractériser, à nous désigner par un mot qui nous permette de comprendre immédiatement qu’il s’agissait de nous. Et cela a fonctionné. Nous avons tout de suite compris que « les vieux » c’était nous.

Nous nous sommes donc écartés et Annie a quand même lancé à l’enfant que c’était un peu impertinent de nous traiter de vieux.

Sa mère qui suivait à pied n’a absolument pas compris ce qui se passait, montrant par-là que beaucoup de choses échappent aux parents.

Derrière nous, un jeune garçon d’une vingtaine d’années qui lui avait suivi parfaitement la scène a voulu nous rassurer :

« Mais non vous n’êtes pas vieux. Simplement de manière relative par rapport à lui, ce jeune garçon vous classe dans les vieux ».

Nous avons chaleureusement remercié ce garçon plein de sollicitude et de compréhension.

Je vous ai raconté un fait qui nous est arrivé. Les lecteurs attentifs du mot du jour savent que je trouve « moyen » de s’arrêter aux faits.

Il faut donc que je continue pour aller un peu plus loin dans la réflexion.

Je ne m’arrêterais pas à la question de savoir si à soixante ans on est vieux. Une chose est certaine on vieillit chaque jour et si on devient vieux c’est une bonne nouvelle, c’est une victoire de la vie. Car si on ne devient pas vieux, c’est qu’on est mort avant. « Vie » constitue d’ailleurs étonnamment les trois premières lettres de vieux.

On pourrait aussi, peut-être parler des trottinettes qui circulent sur les trottoirs et de la difficile cohabitation avec les piétons. <C’est pourquoi Paris veut interdire les trottinettes sur les trottoirs>

De manière plus globale, on pourrait évoquer ce que l’on a eu pour habitude d’appeler « les modes doux » de circulation, c’est-à-dire une alternative à la voiture.

Je ne sais pas ce que vous en pensez mais je trouve qu’en observant l’attitude de certains, l’adjectif « doux » semble totalement inapproprié. Dans l’esprit de ces personnes, il ne s’agit pas de mode « doux » mais de mode « rapide », je veux dire plus rapide que les voitures embouteillées.

J’ai la faiblesse de penser que ce n’était pas cela que l’on imaginait quand on parlait de mode « doux ».

Mais ce fait me conduit surtout à penser à la question du rythme de la vie : il faut être efficace, rapide, gérer intelligemment son temps. Mais dans une société où il y a de plus en plus de vieux comment faire ? Comment concilier, se faire se rencontrer le temps du vieux et le temps du jeune startupper cher au cœur d’Emmanuel Macron ?

Prenons, le cas extrême des vieux en EHPAD et des soignants qui n’ont pas de temps, qui doivent réaliser leurs interventions à une vitesse peu compatible avec le temps des vieux et une durée frustrante au regard de l’attente de l’ainé.

On pourrait imaginer que le progrès et l’automatisation constituent une ressource pour laisser plus d’espace au « temps de l’humain ».

Mais tel n’est pas le cas, le progrès et l’automatisation aujourd’hui ne nous donnent pas davantage de temps, mais nous rendent davantage contraints à la vitesse comme si nous devions servir le progrès, les machines, les flux financiers et d’autres choses qui accélèrent notre temps.

Sylvain Menétrey et Stéphane Szerman ont bien écrit le livre « Slow attitude ! » et dont le sous-titre est « Oser ralentir pour mieux vivre ».

J’ai trouvé aussi cet article qui parle d’un film de Gilles Vernet « Tout s’accélère » qui est une réflexion sur le temps. A travers les yeux d’écoliers de CM2 et appuyé par l’avis de physiciens, de psychologues et d’écologistes, le documentaire décrypte le rythme frénétique de notre monde et appelle au ralentissement.

L’article nous apprend :

« Gilles Vernet est un ancien trader. L’accélération du monde, il la vivait au quotidien car à Wall Street, chaque seconde compte. Optimisation, efficacité, rapidité, rentabilité… cette spirale infernale s’est arrêtée le jour où Gilles Vernet a appris que sa mère était mourante. Deux ans, c’était le temps qu’il lui restait à vivre. Deux ans, c’est aussi « ce temps » qui a produit le déclic chez le réalisateur. « Le choc m’a fait passer à l’acte » confit-il.

Gilles Vernet abandonne le monde de la finance. Devenu instituteur, il interroge ses élèves sur la cadence démesurée de notre société. Pourquoi travailler si vite ? Le monde ralentira-t-il un jour ? »

Nous sommes vraiment dans la problématique des modes doux, du temps doux.

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4 réflexions au sujet de « Mercredi 7 novembre 2018 »

  • 7 novembre 2018 à 8 h 44 min
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    Les anglo-saxons disent “the winner takes all”, le gagnant rafle toute la mise et on peut constater que l’expression est parfaitement adaptée à la nouvelle société, dans ce contexte il ne fait pas bon prendre son temps

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  • 7 novembre 2018 à 16 h 27 min
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    Pour moi vieux, ca veut surtout dire sage, savoir mesurer et mieux apprécier les choses.
    Et je revendique mon age, mes cheveux blancs et mes rides qui chaque jour s’accentuent, autant prendre ça avec philosophie et détachement…Encore que pour une femme, c’est pas si facile. Peut-être que seuls les vieux hommes sont sages…

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    • 7 novembre 2018 à 16 h 37 min
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      Non, non et non
      Les femmes ont autant vocation que les hommes a être sage.
      Et probablement bien davantage car elles donnent la vie, alors que l’homme avec ses instincts guerriers…

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  • 7 novembre 2018 à 18 h 59 min
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    Vieux?, ben mon vieux, c’est d’abord comme tu le dis une bonne nouvelle. Ensuite ce n’est pas vraiment une insulte, c’est un constat , et de plus un constat relatif, comme vous a dit le “jeune” homme ( d’une vingtaine d’année) qui a cherché à vous consoler à défaut de vous rassurer!
    on est toujours le vieux de quelqu’un!
    Là ou ça dérape c’est avec un adjectif: vieux……. con, chnok, débile, sénile, salaud , éventuellement maire de grande ville ( au choix, Marseille, Lyon, Bordeaux) ( voir le discours de Nathalie PG au conseil municipal!) ou vieux profiteurs ,comme le sous entendent nos jeunes dirigeants startoppeurs ( déjà vieux radoteurs) sans compter les vieux qui se traitent de vieux entre eux!
    Mais tout cela repose seulement sur l’apparence, et c’est tout le problème , car la première fois qu’une fille te sourit dans le métro , dans un premier temps tu te sent ragaillardi, mais quand elle t’offre son siège car elle a pensé que tu était vieux, là , mon vieux tu en prends un sacré coup ………..de vieux!!!

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