Mercredi 13 juin 2018

« La France est l’équipe la plus chère de celles qui participent à la coupe du monde 2018 »
Constat économique primaire

Ce que je sais de la morale, c’est au football que je le dois, disait Camus.

Pour apprendre la morale on peut passer par des expériences positives mais aussi négatives.

Tous ceux qui s’intéressent au football se souviennent du match de football de Séville, ½ finale de la coupe du monde, dans lequel le gardien allemand Harald Schumacher lors d’une sortie rageuse est venu heurter violemment le français Patrick Battiston alors qu’il n’était plus en possession du ballon. Le joueur français sera évacué du terrain, inanimé, sur une civière. Il aura perdu trois dents, une vertèbre sera endommagé et il devra porter une minerve plusieurs mois et même la porter pendant la cérémonie de son mariage. Les conséquences auraient pu être encore plus désastreuses s’agissant des cervicales. <Cette vidéo montre le choc et surtout la rencontre de Schumacher qui vint rendre visite à Battiston pour s’excuser>.

Il y a d’autres exemples moins brutaux mais aussi immoraux, comme par exemple la main de Thierry Henry qui permit à la France d’éliminer l’Irlande pour se qualifier pour la coupe du monde 2010. La France se qualifia mais les joueurs eurent un comportement délétère en Afrique du Sud et furent éliminés piteusement. La morale était finalement sauve, la victoire injuste ne profita pas aux tricheurs.

Mais le football ce n’est pas que cela et Thierry Henry eut été inspiré de suivre l’exemple de son entraîneur emblématique du club d’Arsenal : Arsène Wenger.

Lors d’un 8ème de finales de la coupe d’Angleterre opposant Arsenal à Sheffield United, le 13 février 1999, le but de la victoire d’Arsenal fut marqué par son avant-centre sur une touche rapidement jouée alors que les joueurs de Sheffield avaient sorti volontairement le ballon du terrain à la suite de la blessure d’un des leurs. C’est une règle non écrite, une règle de fair play quand une équipe sort le ballon du terrain en raison de la blessure d’un joueur, l’équipe adverse rend le ballon à cette équipe lors de la touche qui suit. Mais ce n’est pas ce que fit le joueur d’Arsenal et son club se qualifia.

Mais, à l’issue du match, Arsène Wenger, l’entraîneur d’Arsenal proposa que la rencontre soit rejouée dans son intégralité dix jours plus tard. Les dirigeants de Sheffield United acceptèrent et le match fut rejoué.

Il existe aussi de ces exemples-là dans le football.

Et ce n’est pas le seul, cet article de l’express cite d’autres cas :

  • En mai 2005, alors qu’il évolue au Werder Brême, Miroslav Klose bénéficie d’un penalty contre Bielefeld. En disant lui-même qu’il n’y pas faute, il obtient de l’arbitre qu’il annule sa décision.
  • Enfin, on a coutume de dire que les Italiens sont truqueurs, et pourtant Thierry Henry aurait été bien inspiré de suivre l’exemple de Daniele De Rossi. En 2006, sous les couleurs de l’AS Rome, Daniele De Rossi marque de la main. Les joueurs de Messine protestent. L’arbitre les ignore et valide le but. De Rossi s’avance alors vers lui et lui signale sa faute. Le but est annulé.

Pour moi, le football c’est aussi d’autres souvenirs. Alors que j’habitais Montreuil , avec deux autres pères Dominique et Yves nous emmenions nos garçons jouer, le dimanche, au football dans le parc des Beaumont, à côté de notre résidence. Le plus souvent d’autres jeunes garçons issus des cités et de ce qu’on appelle la diversité aujourd’hui venait nous rejoindre et demander de jouer avec nous. Ce furent des moments d’échanges et de joies simples qui me nourrissent encore. Lorsque pendant la semaine, déguisé en fonctionnaire cravaté et après avoir travaillé pendant la journée dans les immeubles de Bercy, je rentrais à Montreuil, je rencontrais parfois ces jeunes garçons qui me saluaient alors, les yeux plein de lumière. Car le football a aussi cette faculté de faire tomber les barrières et de rapprocher les humains.

Le football professionnel d’aujourd’hui constitue certainement un exemple explicite des dérives de l’économie d’aujourd’hui :

  • la concentration des réussites,
  • la richesse en argent qui donne un avantage comparatif excessif

Il n’est ainsi que le reflet de notre époque.

Il est vrai que lorsqu’on analyse la compétition la plus lucrative du football : la ligue des champions on constate les choses suivantes :

  • Les 20 dernières ligues des champions ont été gagnées par seulement 8 clubs
  • Mais la moitié soit 10 ont été gagnées par les deux clubs espagnols du Real de Madrid (6) et de Barcelone (4)
  • 3 Clubs ont gagné chacun deux trophées (AC Milan, Manchester United, Bayern de Munich)
  • Il reste 4 clubs qui n’ont gagné qu’une fois l’Inter Milan, Liverpool, Chelsea et le FC Porto.

Il y a donc bien, concentration des réussites et surtout tous ces clubs font partie des plus riches.

Selon ce classement publié en janvier 2018 après une étude du cabinet Deloitte, les 4 clubs les plus riches ont gagné 14 des 20 titres.

Tous les autres, à l’exception de Porto font partie des 15 plus riches.

L’AC Milan, le club de Berlusconi, n’en fait plus partie mais était dans le top 10 lorsqu’il gagnait.

Pourtant l’argent ne suffit pas, Manchester City et le Paris Saint Germain sont riches mais ne gagnent pas. Parce qu’il ne suffit pas de mettre les joueurs les plus chers ensemble, encore faut-il faire équipe.

Et cela aussi est une leçon du football, il faut faire une équipe qui joue ensemble.

Alors si nous nous intéressons à la coupe du monde qui commence demain, nous constatons aussi une formidable concentration, pire que celle de la ligue des champions.

Depuis 1930, 20 coupes du monde ont eu lieu, l’actuel en Russie est la 21ème.

Et si 8 clubs ont gagné les 20 dernières ligue des champions, il y aussi 8 nations qui ont emporté tous les trophées.

  • 3 d’entre elles (Brésil, Allemagne et Italie) en ont gagné 13 soit 65 % des victoires.
  • 2 pays d’Amérique du Sud ont gagné chacun deux victoires, l’Uruguay et l’Argentine, soit 20 %.
  • Il ne reste que 3 victoires, soit 15%, pour l’Angleterre, la France et l’Espagne.

On constate qu’il s’agit d’une affaire entre l’Europe (11 victoires) et l’Amérique du Sud (9 victoires), les autres continents ne sont pas présents.

Si on s’intéresse aux finalistes, 12 des finalistes font aussi partie des 8 vainqueurs et pour les 8 places qui restent il n’y a que 4 nations (Pays Bas 3x, Hongrie et Tchécoslovaquie 2x, Suède 1 fois)

Il y a même des affiches qui sont identiques (Allemagne – Argentine 3x) (Brésil-Italie 2x)

Il existe un constat plus surprenant encore, entre 1950 et 2002, il y a eu 14 finales. A part, celle de 1978 qui opposa L’Argentine aux Pays Bas, dans toutes les autres finales il y avait soit le Brésil, soit l’Allemagne qui étaient présents mais sans jamais se rencontrer avant celle de 2002. Ils ne se rencontrèrent pas en Finale mais pas non plus dans aucun autre match du tournoi.

C’est assez extraordinaire quand on songe que ce sont les deux nations qui se sont plus souvent qualifiés et qui ont fait le plus de matchs de coupe du monde. Depuis 2002, ils se sont rencontrés une nouvelle fois en 2014, en demi-finale, lorsque l’Allemagne humilia les brésiliens au Brésil (7-1).

Alors pour conclure ce second mot du jour de la série football et trouver un exergue à cet article, je reviens vers l’économie et le football.

Et c’est justement le magazine économique les échos qui révèle ce constat qu’en faisant la somme de la valeur marchande de chaque joueur, car un joueur de football a une valeur marchande, c’est la France qui est l’équipe la plus chère de la coupe du monde.

Les économistes voudraient y voir un heureux présage pour ceux qui souhaitent la victoire de la Francei. Mais seule une équipe peut espérer gagner la victoire finale, non l’assemblage d’individualités.

Cette coupe du monde nous révélera si les joueurs français forment une équipe.

C’est une belle leçon morale au sens d’Albert Camus.

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Une réflexion au sujet de « Mercredi 13 juin 2018 »

  • 13 juin 2018 à 8 h 33 min
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    Pour que le tout soit plus que la somme des parties, il faut que les éléments constitutifs acceptent de se fondre dans l’ensemble et qu’émerge un leader.
    Sur ces 2 points, ce n’est pas gagné d’avance

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