Vendredi 8 septembre 2017

« Mémoire et Histoire du droit à l’avortement »
Mise en pratique pédagogique sur un thème concret de l’opposition entre la Mémoire et l’Histoire.

Je pense que la loi de novembre 1974 concernant l’interruption volontaire de grossesse constitue un excellent exemple permettant de comprendre la différence entre la Mémoire des faits et l’Histoire des faits.

La mémoire est affective et subjective. L’Histoire s’efforce à l’objectivité.

La mémoire associe cette Loi à Simone Veil. Beaucoup, par exemple ce site exprime cela de la manière suivante :

« Nous sommes toutes les filles de Simone Veil : nous lui devons cette loi essentielle qui a transformé la vie des femmes. »

« Les femmes, la France doivent cette Loi à Simone Veil ». C’est la mémoire collective, ce n’est pas l’Histoire.

Certes, elle a défendu la Loi devant l’Assemblée Nationale et avec quelle force, intelligence, humanité.

Mais sans Simone Veil, cette Loi serait probablement quand même entrée en vigueur en 1974.

Simone Veil n’était pas dans le combat pro-avortement avant 1974 ; comme par exemple l’avocate Gisèle Halimi ou ces femmes qui se sont fait appeler les 343 salopes, dont faisait partie Catherine Deneuve ou Françoise Sagan et qui se sont accusés publiquement dans une tribune, en 1971, dans le Nouvel Observateur., du délit d’avortement.

Elle est entrée presque par hasard au Gouvernement au Ministère de la Santé alors qu’elle était juriste. Et même au gouvernement, ce fut un concours de circonstances qui fit que finalement ce fut à elle qu’incomba la tâche de défendre la Loi.

Que dit l’Histoire ?

L’Histoire dit que les femmes doivent cette Loi à Valéry Giscard d’Estaing qui a pris l’engagement de cette Loi pendant sa campagne présidentielle et a mis en œuvre son engagement dès le début de son septennat.

C’est parce que le Président de la République nouvellement élu, l’a voulu que le projet de Loi a été déposé et discuté au Parlement.

D’ailleurs cette loi n’est en rien une Loi « du droit à l’avortement ». C’est une loi de « dépénalisation de l’avortement ». Il s’agissait de modifier le code pénal et de supprimer un article qui qualifiait l’interruption volontaire de grossesse de délit.

Une Loi qui doit modifier le code pénal est de la compétence du Ministre de la Justice. Ce fut le cas avant 1974, et c’est toujours ainsi que cela se passe.

Mais quand Valéry Giscard d’Estaing se tourna vers son Ministre de la Justice, ce dernier le pria de l’épargner et de ne pas lui confier cette tâche. Le Ministre de la Justice était démocrate-Chrétien et se nommait Jean Lecanuet. Il argumenta en disant que sa Foi et sa morale lui interdisait de défendre cette Loi.

Alors Valéry Giscard d’Estaing eu l’idée de confier ce projet à la Ministre de la Santé qui justement était juriste et qui ne refusa pas.

Valéry Giscard d’Estaing aurait pu tenir le même discours que Jean Lecanuet étant donné sa foi et ses convictions. Il savait en outre que la majorité des français qui l’avaient élu, étaient en très grand nombre contre « cette abomination » disaient-ils. Les défenseurs de cette évolution se trouvaient dans l’autre camp, celui de la Gauche. D’ailleurs dans la nuit du 28 au 29 novembre 1974, la loi fut votée par 284 députés, un tiers des voix de droite et la totalité des voix de gauche, contre 189 voix de Droite.

Mais il avait fait le constat que la situation était devenu intolérable entre les familles aisées et cultivées qui pouvait financer une opération médicale avec peu de risque à l’étranger et toutes les femmes modestes qui tentaient d’interrompre leur grossesse dans des conditions indignes, dangereuses et souvent atroces.

Valéry Giscard d’Estaing a, dans ce domaine, agi en Homme d’État allant contre ses convictions intimes, contre son intérêt politique puisqu’il déplut à la majorité qui l’avait fait président, pour imposer ce qui lui paraissait juste et nécessaire pour l’intérêt de ses concitoyens et particulièrement ses concitoyennes.

C’est lui qui décida et qui imposa cette loi. Mais une fois ce flambeau confié à Simone Veil, cette dernière sut trouver l’énergie, les mots et la force de conviction pour obtenir le vote positif.

Et quel combat !

Vous trouverez dans les liens que je donne en fin d’article, cette anecdote que des personnes que Simone Veil considérait comme des amis refusèrent de la voir et de l’inviter à cette période.

Elle dit aussi :

« Je savais que les attaques seraient vives, car le sujet heurtait des convictions philosophiques et religieuses sincères. Mais je n’imaginais pas la haine que j’allais susciter, la monstruosité des propos de certains parlementaires ni leur grossièreté à mon égard. Une grossièreté inimaginable. Un langage de soudards. »

Mais voici ce que l’Histoire dit : Cette Loi fut voulu et imposé par Giscard d’Estaing, Simone Veil l’accompagna et mit en œuvre la volonté présidentielle.

Ce qui n’enlève rien à la grandeur de Simone Veil.

Voici les liens promis :

http://www.francetvinfo.fr/politique/simone-veil/recit-ces-exces-m-ont-servie-novembre-1974-l-intense-bataille-de-simone-veil-pour-la-depenalisation-de-l-avortement_2268733.html

http://madame.lefigaro.fr/societe/discours-le-jour-ou-simone-veil-defendit-ivg-devant-assemblee-dhommes-300617-133051

http://www.valeursactuelles.com/societe/les-grandes-heures-de-lassemblee-4-1974-la-depenalisation-de-lavortement-27428

http://www.politique.net/annees-giscard/reformes.htm

<924>

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *