Mercredi 16 mars 2016

Mercredi 16 mars 2016
« Le carbone [est] l’élément clef de toutes les architectures moléculaires et de la vie sur Terre. Il est bien difficile d’imaginer comment la vie aurait pu apparaître sans lui.
Aucune séquence de réactions ne semblait être en mesure d’expliquer sa population dans l’Univers, sauf à faire appel à des coïncidences assez étonnantes quant aux valeurs numériques de différentes propriétés du noyau de carbone [qui depuis ont pu être mesurées et sont exactement celles qui rendent la chose possible] »
Hubert Reeves – « Là où croît le péril… croît aussi ce qui sauve »
« La belle histoire » Page 24 & 25

L’atome est le constituant fondamental de la matière.

Au départ lors du big bang se sont créés les premiers atomes, les plus légers l’hydrogène puis l’hélium.

Le carbone est un atome plus lourd et c’est un élément essentiel de la vie.

Le corps humain contient, en effet, beaucoup de carbone, comme tout organisme vivant sur Terre.

Car le carbone est la base de toutes les formes de vie connues à ce jour.

Combiné notamment à l’hydrogène et à l’oxygène, il forme l’ossature de tous les organismes vivants que nous connaissons : protéines, ADN, membranes, etc.

C’est pourquoi la chimie du carbone est si importante et s’appelle « chimie organique » (la chimie des organismes, la chimie du vivant).

Or le carbone n’a pas été créé lors du big bang et sa création a nécessité des conditions très spécifiques.

Hubert Reeves l’explique comme cela :

« Je vais raconter un événement qui a fait beaucoup de bruit, il y a un demi-siècle quand, grâce aux progrès de la physique nucléaire de laboratoire, on a commencé à découvrir l’origine des éléments chimiques dans l’Univers.

L’astrophysicien anglais, Fred Hoyle, a formulé vers 1948 l’idée que les brasiers internes des étoiles, là où les températures sont assez élevées pour amorcer spontanément des réactions nucléaires, sont les foyers où les noyaux des atomes du cosmos sont engendrés.

Pour accréditer cette thèse, il fallait d’abord identifier les chaînes de réactions nucléaires spécifiques qui seraient responsables de chaque variété d’atome puis identifier les types d’étoiles dans lesquelles ces atomes avaient été produits. C’est d’ailleurs sur un des thèmes de cette enquête que j’ai fait ma thèse de doctorat en astrophysique nucléaire.

Un problème se posa bientôt concernant l’origine du carbone. Les connaissances de l’époque en physique nucléaire ne laissaient entrevoir pratiquement aucune possibilité de sa formation dans les étoiles.

Aucune séquence de réactions ne semblait être en mesure d’expliquer sa population dans l’Univers, sauf à faire appel à des coïncidences assez étonnantes quant aux valeurs numériques de différentes propriétés du noyau de carbone, propriétés encore non mesurées à cette époque.

Prenant acte du fait que le carbone est un des éléments les plus foisonnants dans l’Univers, Hoyle prédit que les coïncidences requises devaient se vérifier dans la réalité.

Son ami, le physicien américain William Fowler, le confirma bientôt par des expériences de laboratoire en Californie. Les propriétés du noyau de carbone mesurées en laboratoire sont exactement celles que Hoyle avait estimées pour rendre compte de son abondance. Ces réactions se produisent surtout dans les étoiles géantes rouges, comme Antarès, visible au Sud dans notre ciel d’été.

Que penser de cette prédiction réussie et de ces coïncidences étonnantes ?

On peut, bien sûr, faire appel au hasard.

Mais on peut aussi rester sur sa faim en se disant que le hasard a souvent le dos large.

Et, de surcroît, il faut prendre en considération le fait que le carbone est l’enfant chéri de Dame Nature pour construire la complexité. Il est l’élément clef de toutes les architectures moléculaires et de la vie sur Terre. Il est bien difficile d’imaginer comment la vie aurait pu apparaître sans lui.

Voici une excellente occasion de pratiquer le jugement réservé. »

Et bien sûr sans ces conditions étonnantes et spécifiques le carbone n’aurait pas pu être créé en masse, et sans ça nous ne serions pas là pour en parler.

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