Mardi 24 novembre 2015

Mardi 24 novembre 2015
«On n’a pas besoin de lois, il faut des moyens»
Marc Trévidic.
Beaucoup d’experts s’expriment sur les médias.
Souvent, il est légitime de se poser la question : mais sur quelles sciences, activités ou travaux fondent-ils leur label d’expertise ?
Marc Trévidic, le juge anti-terroriste de Paris à qui la charge a été retirée il y a quelques mois par l’application stricte de règles qui n’existent probablement qu’en France est fondé à se déclarer expert.
Que dit-il ?
Actuellement, la justice est engorgée, les forces de renseignement n’ont pas les moyens de suivre l’ensemble des personnes fichées.
Le 30 septembre dans une interview à Paris Match, sa réponse à la première question, sur le niveau de risque que courent les Français, fut la suivante :
«La menace est à un niveau maximal, jamais atteint jusqu’alors. D’abord, nous sommes devenus pour l’Etat islamique l’ennemi numéro un. La France est la cible principale d’une armée de terroristes aux moyens illimités. Ensuite, il est clair que nous sommes particulièrement vulnérables du fait de notre position géographique, de la facilité d’entrer sur notre territoire pour tous les djihadistes d’origine européenne, ¬Français ou non, et du fait de la volonté clairement et sans cesse exprimée par les hommes de l’EI de nous frapper. Et puis, il faut le dire : devant l’ampleur de la menace et la diversité des formes qu’elle peut prendre, notre dispositif de lutte antiterroriste est devenu perméable, faillible, et n’a plus l’efficacité qu’il avait auparavant. Enfin, j’ai acquis la conviction que les hommes de Daech ont l’ambition et les moyens de nous atteindre beaucoup plus durement en organisant des actions d’ampleur, incomparables à celles menées jusqu’ici. Je le dis en tant que technicien : les jours les plus sombres sont devant nous. La vraie guerre que l’EI entend porter sur notre sol n’a pas encore commencé.»
Et après les attentats du 13, il a répondu à l’Obs :
«Le nombre de personnes sous surveillance est devenu problématique. Il existe autant d’individus à surveiller que d’agents de la Direction générale de la sécurité Intérieure (DGSI), il faut se rendre compte de cela ! Nous sommes en face d’un sous-dimensionnement évident, problématique. […] L’Etat islamique peut aujourd’hui recruter à foison. Les effectifs de jeunes gens prêts à passer à l’action peuvent lui sembler inépuisables. Il peut facilement embaucher et commander des actions, sans souci de perdre des hommes. Les terroristes ont d’ailleurs agi à visage découvert, signe qu’ils étaient prêts à se sacrifier. L’Etat islamique est dans une position de force incroyable, à la tête d’une armée qui paraît illimitée. […] On est tellement sous-dimensionné par rapport à la menace qu’il faut doubler les effectifs dans les directions de renseignement et les services judiciaires. Il faut comprendre cet enjeu. Les moyens ont été renforcés après les attentats de “Charlie Hebdo”, il faut poursuivre cet effort. Les jours les plus durs, les plus sombres, risquent d’être devant nous.»
A la fin des fins, il faut des serviteurs de l’Etat qui sont en France des fonctionnaires.
Rien n’empêcherait à travers des réformes de fond de rendre l’Etat plus efficace et dans certains domaines d’avoir besoin de moins de personnels.
Mais dans d’autres il faut des femmes et des hommes.
Par exemple il faut aussi des douaniers pour garder les frontières. Dans mon esprit, il s’agit des frontières extérieures de l’Union. Bien entendu, si les frontières extérieures ne jouent pas leur rôle, il sera nécessaire de garder les frontières nationales.
Pour arriver à cet équilibre, il faut des hommes d’Etat qui ont une vision de temps long, de stratégie permettant de faire face aux défis.
Le rabot, les économies d’épiciers sont le fait de gouvernants qui ont une ligne d’horizon dramatiquement proche : les prochaines échéances électorales.
Et puis cette réaction pavlovienne qui chaque fois qu’un évènement surgit de se sentir obligé de faire de nouvelles lois est absolument contreproductive : « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires », Montesquieu (De l’esprit des lois).