Lundi 19 septembre 2016

Lundi 19 septembre 2016
« La croyance
Je n’hésiterai pas à inscrire la croyance en tête de liste de nos nécessités vitales, en tête de liste des aides à la personne […] propre à l’entretien de ce qu’on appelle la vie, à savoir l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort. »
Régis Debray

Que nous arrive-t-il ?

En Europe, nous pensions que le progrès, issu de la révolution des Lumières et des découvertes scientifiques et techniques permises grâce à elle, était en marche de manière irrésistible.

Cette évolution était accompagnée de manière continue et inexorable de la sortie du religieux.

C’est pourquoi, le retour du fait religieux nous laisse désemparé, dans l’incompréhension.

Dans ce questionnement, j’ai écouté, avec un immense, intérêt 5 émissions produites par Régis Debray, cet été, sur France Culture et qui avaient pour thème : les réalités religieuses <Allons au fait – les émissions>.

Il a interrogé successivement ces 5 notions :

  • La croyance
  • Le sacré
  • La religion
  • Dieu
  • La Laïcité

Un livre est annoncé pour le 3 octobre : <Allons aux faits – le livre>

Commençons par la croyance.

Croire !

Pour philosopher sur la croyance, il introduit son sujet en montrant combien croire fait partie de notre quotidien :

« Le monde où on vit n’est pas le monde où on pense. Pour les têtes pensantes, il est mal vu de croire et conseillé de savoir !

Depuis Platon, le philosophe met la croyance sur la sellette. […] C’est le degré zéro de l’intelligence. […] La science est une machine à « décroire ».

Mais dans le monde où on vit ? Le vôtre, le mien ?

Chaque geste, chaque parole nécessite un acte de foi.

Quand je dépose un chèque à la banque, ou encore plus risqué quand je mets un bulletin de vote dans l’urne.

Quand je me rends à un rendez-vous qu’on m’a donné la veille, quand je lis dans le journal ou quand je m’adresse à mon fils comme étant véritablement mon fils, je fais confiance, spontanément !

Je tiens sur sa bonne mine, tel candidat comme crédible.

Je compte bien que le billet que j’ai en poche peut s’échanger contre un vrai paquet de cigarettes.

D’ailleurs sous la révolution, un assignat s’appelait un billet de confiance. »

Dans tous ces cas énumérés, il ne s’agit pas de savoir mais de croyance, « nous croyons que »…, sans nous rendre compte que dans ces cas, nous croyons. »

Après nous avoir montré que la croyance fait partie de notre vie, même si nous ne nous déclarons pas croyant, il va tenter de donner les raisons de la force de la croyance :

« A la croyance nous devons signer une reconnaissance de dettes, pour 3 motifs :

Si nous n’avions pas la faiblesse, mais la force de croire :

– nous n’aurions pas l’avenir devant nous ;

– nous n’aurions pas une société ou vivre et

– nous n’aurions pas d’actions à entreprendre.

Disons que l’incroyance absolue est un luxe de légume et que nous aurions tort d’en abuser.»

Et il développe et explicite ces trois raisons :

«1° La croyance fait respirer le temps, elle desserre l’étau du présent.

Credo vient d’une racine indo-européenne qui désigne le fait de donner une chose à quelqu’un avec la certitude de la récupérer plus tard. Je fais faire une offrande à un Dieu, auquel je crois, avec l’idée qu’il va me rétribuer, qu’il me le rendra un jour. Je prends une créance sur l’avenir.

De celui ou de cela auquel je crois, j’attends une rétribution en différé.

Autrement dit, le croyant c’est un homme en attente, qui met ses verbes au futur, comme Jaurès, ainsi que le lui reprochait Clemenceau. Oui parce que Jaurès était un croyant impénitent, croyant dans l’avenir et même peut être en Dieu.  […]

Un croyant n’est jamais seul, en fait un croyant croit pour ne plus être seul […].

Ce n’est pas toujours facile de croire, en dépit des réalités, mais c’est un plus, malgré tout. Parce que c’est épouser une communauté et rentrer dans l’orchestre. […]

Alors quand on dit à un croyant : c’est idiot ce que vous croyez, d’ailleurs ce que l’on croit n’est jamais vrai, c’est Valery qui l’a dit, il vous répondra peut-être : Je sais bien, mais quand même, j’ai un toit pour m’abriter et des frères et des sœurs pour me tenir chaud, j’ai un parti, j’ai une église, j’ai une confrérie […]. Votre vérité, elle est froide, elle ne me rapporte rien, alors que ma croyance m’augmente. Elle me rend fier d’être ce que je suis, parce qu’elle m’assure une appartenance. Elle m’insère dans un “nous” beaucoup plus grand et plus fort que moi, le « nous » de tous les croyants, à la même croyance que moi.

Vous pouvez dire que les religions, les idéologies sont des mythes. Oui ! Mais des mythes au service d’une société d’entraide et d’admiration mutuelle.

Pour être savant : « La logique du collectif ne relève pas de critères cognitifs »

Croire c’est se mettre en mouvement. C’est sortir de sa passivité et de la résignation.

Dire que nous croyons en quelque chose, c’est dire que nous ferons quelque chose. […] C’est prendre des risques »

[…] L’homme de cœur va peut-être dans le mur, mais il y va, l’homme de pensée voit plus clair mais reste en arrière.

Il y a une preuve à contrario, il suffit de regarder autour de nous

La France qui n’y croit plus c’est un mélange de chacun pour soi et de maintenant c’est maintenant. On n’attend plus grand-chose, on prend plus beaucoup de risques et on ne se tient même plus les coudes. […]»

Et il ajoute ce que les lecteurs du « Sapiens » d’Hariri comprennent immédiatement :

« Un spermatozoïde et un ovule cela peut faire un fœtus, mais pour faire un petit homme il faut beaucoup plus. Il faut des prohibitions, des lois, des mythes, bref il faut du fantastique, [il faut du récit]. »

Et c’est sa conclusion que j’ai utilisé comme exergue de ce mot du jour :

« La croyance est à la fois nécessaire et dangereuse. Je n’hésiterai pas à inscrire la croyance en tête de liste de nos nécessités vitales, en tête de liste des aides à la personne […] propre à l’entretien de ce qu’on appelle la vie, à savoir l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort. »

C’est tout simplement passionnant.

Ce message ne donne qu’un petit aperçu de cette réflexion féconde et intelligente dans le sens où l’intelligence vous montre un aspect de la question qui vous surprend et change votre perception : <Réalités religieuses 1/5 Que faut-il entendre par croyance ? >

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