Vendredi 20 mai 2016

Vendredi 20 mai 2016
«Cette photo m’a finalement sauvé la vie»
Nidhi Chaphekar
Une nouvelle réflexion sur une photo. Peut-on tout photographier ? Jusqu’où va la liberté de la photo de reportage ? Et où commence la vie privée ?
Nidhi Chaphekar est une hôtesse de l’air indienne de 42 ans, mère de deux enfants. Un cliché d’elle assise sur un banc, couvert de sang et de poussière, lors des attentats de Bruxelles le 22 mars 2016, a fait le tour du monde sans que l’on ne lui demande son accord
Ce cliché a été pris quelques instants seulement après les explosions à l’aéroport Zaventem de Bruxelles. Dans le choc, cette femme a perdu une chaussure, et sa chemise jaune a été déchirée en lambeaux. Accrochée des deux mains à cette chaise qui la maintient, elle semble ne pas réaliser ce qu’il vient de se passer. Avec cette photo, Nidhi Chaphekar est devenu le visage de l’horreur de ces attentats meurtriers, qui ont fait 31 morts. Le cliché a notamment été repris en une de nombreux journaux, comme le Guardian, le New York Times, ou encore Le Parisien.
Des journalistes ont retrouvé cette femme qui a déclaré «Cette photo m’a finalement sauvé la vie. Des gens du monde entier m’ont apporté du courage dans les moments difficiles. Ce n’est certainement pas la plus belle photo de moi, mais des milliers de personnes ont prié pour moi. Cela m’a donné beaucoup de force». 
Dans les différents articles,  on apprend que cette femme avait été brûlée aux bras, aux jambes, au visage et au dos, et qu’elle a subi de multiples opérations chirurgicales. Outre de nombreuses fractures, les médecins lui ont également découvert un clou logé derrière l’oeil. Placée dans un coma artificiel pendant 22 jours, elle a finalement survécu à ses nombreuses blessures. 
Nidhi Chaphekar est reparti en Inde le 5 mai dernier en s’envolant pour Mumbai.
Sur la photo, il y a une autre femme qui se trouve au premier plan. Cette seconde femme sur la photo, la main ensanglantée et au téléphone se nomme Stefanie De Loof et elle est Belge. Stefanie De Loof n’a, quant à elle, pas apprécié la photo. «Visiblement, tout le monde peut reprendre la photo car elle tourne sur Twitter. Maintenant, je dois essayer de passer au-dessus de ça, mais j’ai bien l’intention de repartir à Haïti pour Médecins sans frontières», conclut-elle.
A t-on le droit de photographier dans ce type de situation ?
En France, juridiquement non !
En effet, s’il est tout à fait possible de reproduire et diffuser une image captée dans un lieu public et lors d’une manifestation si celle-ci ne présente pas un cadrage restrictif ou n’isole une personne aisément reconnaissable, tel n’est pas le cas lorsqu’on peut reconnaitre une personne, ce qui est le cas ici. Dans ce cas, il faut l’autorisation de la personne, ce qui ne fut pas fait pour ce cliché.
Mais il me semble qu’ici nous sommes dans une situation très particulière, or cette photo symbolise toute la terreur des attentats de Bruxelles. En tant que telle, elle est information, elle devient aussi Histoire !
Mais c’est une question délicate.
À la suite des attentats du 11 septembre 2001 à New York, la photo de Nancy Borders avait également fait le tour du monde. Couverte de cendres, la jeune femme de 28 ans à l’époque des faits, avait alors été surnommée la «Dust Lady» («dame de poussière»). Cette femme avait vécu par la suite une véritable descente aux enfers marquée par une paranoïa maladive et des addictions multiples. Elle s’est éteinte le 24 août dernier d’un cancer de l’estomac à l’âge de 42 ans, sans être parvenue à dompter ses démons qui n’étaient pas la photo mais bien les attentats de New York.