Mercredi, le 28/10/2015

Mercredi, le 28/10/2015
«Ils disent que c’est un beau pays où un prince pourrait vivre
alors pourquoi l’abandonnas-tu, donne m’en la raison »
Extrait d’un chant traditionnel irlandais « Dear Old Skibbereen» se souvenant de l’immigration irlandaise du XIXème siècle.
Parmi les remarquables émissions de France Culture, il en est une encore plus singulière que les autres : « Concordance des temps » dont l’objet est celui « d’offrir sur l’actualité l’éclairage des précédents historiques, débusquer dans le passé des similitudes avec nos conjonctures contemporaines, rappeler des épisodes et des mutations qui trouvent, par les temps qui courent, des résonances inattendues, replacer dans la longue durée les événements, les émotions et les débats du présent, avec l’ambition d’aider ainsi à mieux les interpréter.»
Cette émission est animée par un homme d’une culture exceptionnelle, Jean-Noël Jeanneney né en 1942 dans une famille d’hommes politiques, son grand père, Jules, fût le dernier Président du Sénat de la 3ème République. Il fut lui-même secrétaire d’Etat, mais il est avant tout agrégé d’Histoire et fut président de Radio France, président de la mission d’organisation du bicentenaire de la révolution française et enfin président de la Bibliothèque Nationale de la France. Aujourd’hui, il jette son regard distant et cultivé sur l’Histoire et les évènements, à 73 ans.
Dans son émission du < du 03/10/2015 > il avait invité Philippe Chassaigne, professeur d’histoire des îles britanniques à l’université Michel de Montaigne à Bordeaux, pour se mettre en quête de similitudes avec notre présent en évoquant l’immigration des Irlandais.
Les irlandais catholiques avaient été dominés et colonisés par les anglais anglicans ou protestants qui étaient au début du XIXème siècle les vrais propriétaires des terres irlandaises. C’est dans ces conditions que se déclencha la grande famine en Irlande entre 1845 et 1852. Cette catastrophe fut en grande partie la conséquence de l’apparition du mildiou sur l’île, un parasite qui anéantit presque intégralement les cultures locales de pommes de terre, nourriture de base des paysans irlandais.
Dans un pays de 8 millions d’habitants, en quelques années, au moins un million de personnes sont mortes et deux millions ont été forcées de quitter leur île, dans des conditions dramatiques, quant au voyage et quant à l’accueil des terres promises, celles-ci étant pour beaucoup closes ou hostiles, en dépit des compassions et des solidarités.
Les irlandais émigrèrent aux Etats-Unis, au Canada et en Australie. Cette immigration ne fut pas facile, ils furent très mal accueillis aux Etats-Unis. Le film « Gangs of New York » de Martin Scorsese (2002) montra un exemple de cette violence et ce rejet à l’égard des migrants irlandais.
Et au début de cette émission, Jean-Noël Jeanneney eu l’excellente idée de faire écouter une chanson de la tradition irlandaise merveilleusement interprétée par <Sinéad O’Connor et que vous trouverez derrière ce lien>
Cette chanson est une réponse du migrant à la question de son fils « Pourquoi as-tu abandonné ton beau pays ?»
Voici les paroles de ce chant :
Dear Old Skibbereen.
O, father dear I often hear you speak of Erin’s Isle
Her lofty scenes, her valleys green, her mountains rude and wild
They say it is a lovely land wherein a prince might dwell
So why did you abandon it, the reason to me tell
oh cher père j’entends souvent que vous parlez de l’île d’Erin
ses vues incomparables, ses vertes vallées, ses montagnes rudes et sauvages
Ils disent que c’est un beau pays où un prince pourrait vivre
alors pourquoi l’abandonnas-tu, donne m’en la raison
My son, I loved my native land with energy and pride
Till a blight came over all my crops and my sheep and cattle died
The rents and taxes were to pay and I could not them redeem
And that’s the cruel reason why I left old Skibbereen
Mon fils j’aimais mon pays avec énergie et fierté
jusqu’à ce que ce fléau ravage toutes mes récoltes et tue mon bétail
les loyers et taxes étaient à payer et je ne pouvais rembourser
voilà la raison cruelle pour laquelle j’ai dû quitter mon vieux Skibbereen
‘Tis well I do remember that bleak November (/December) day
When the bailiff and the landlord came to drive us all away
They set the roof on fire with their cursed English spleen
And that’s another reason why I left old Skibbereen
Je me souviens en effet de ce jour de décembre glacial
quand le propriétaire et l’huissier sont venus nous chasser
ils ont mis le feu à la maison avec leur maudite mauvaise humeur d’Anglais
et c’est une autre des raisons pour laquelle j’ai quitté ce bon vieux Skibbereen
Your mother, too, God rest her soul, lay on the snowy ground
She fainted in her anguishing seeing the desolation round
She never rose, but passed away from life to immortal dreams
And that’s another reason why I left old Skibbereen
ta mère aussi, dieu ait son âme, repose sur le sol enneigé
elle s’évanouit de désespoir à la vue de la désolation alentour
elle ne s’est jamais relevée, mais elle a quitté cette vie pour les rêves immortels
et c’est une autre des raisons pour laquelle j’ai quitté ce bon vieux Skibbereen
Then sadly I recall the days of gloomy forty-eight.
I rose in vengeance with the boys to battle again’ fate.
We were hunted through the mountains as traitors to the queen,
And that, my boy, is the reason why I left old Skibbereen.
Alors tristement je me souviens de ces sinistres journées de 1848
je me soulevai l’esprit vengeur avec les garçons pour lutter contre le destin
nous étions chassés à travers les montagnes comme des traîtres à la couronne
et ça, mon gars, c’est la raison pour laquelle j’ai quitté Skibbereen.
Oh you were only two years old and feeble was your frame
I could not leave you with my friends for you bore your father’s name
So I wrapped you in my cóta mór at the dead of night unseen
And I heaved a sigh and I said goodbye to dear old Skibereen
Oh tu avais seulement deux ans et frêle était ton corps
je ne pouvais pas te laisser avec mes amis puisque tu portais le nom de ton père
alors je t’ai enroulé dans ma redingote au beau milieu de la nuit,
et j’ai soupiré et dit au revoir à ce bon vieux Skibereen
well father dear, the day will come when on vengeance we will call
And Irishmen both stout and tall will rally unto the call
I’ll be the man to lead the van beneath the flag of green
And loud and high we’ll raise the cry, “Revenge for Skibbereen!”
eh bien mon cher père, le jour de la vengeance viendra
et tous les Irlandais costauds et grands se rallieront unanimes à l’appel
je serais l’homme qui conduira le convoi sous la bannière verte
Haut et fort retentira ce cri, “revanche pour Skibbereen!”
Oh you were only two years old and feeble was your frame
I could not leave you with my friends for you bore your father’s name
So I wrapped you in my cóta mór at the dead of night unseen
And I heaved a sigh and I said goodbye to dear old Skibereen
Oh tu avais seulement deux ans et frêle était ton corps
je ne pouvais pas te laisser avec mes amis …
alors je t’ai emballé dans mon … à la fin de la nuit
j’ai soupiré et j’ai dit au revoir à ce vieux Skibereen
well father dear, the day will come when on vengeance we will call
And Irishmen both stout and tall will rally unto the call
I’ll be the man to lead the van beneath the flag of green
And loud and high we’ll raise the cry, “Revenge for Skibbereen!”
eh bien mon cher père, le jour de la vengeance viendra
et tous les Irlandais costauds et grands se rallieront unanimes à l’appel
je serais l’homme qui conduira le convoi sous la bannière verte
sonore et haut retentira ce cri, “la revanche de Skibbereen!”
<Ecoutez cette intéressante émission de la concordance des temps> et dont le titre est : “Des migrants en nombre immense : le cas de l’Irlande”
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