Mardi 13 juillet 2021

« L’égoïsme rationnel »
Ayn Rand

A la lecture du mot du jour d’hier, Annie m’a dit qu’elle était restée un peu sur sa faim.

Je ne vais pas créer une série sur Ayn Rand au milieu de la série sur l’année 1979, l’année du grand renversement.

Mais je vais quand même tenter de donner quelques éléments de plus sur cette femme énigmatique, fascinante et qui a fait des disciples.

Je me souviens d’avoir entendu une interview de Ronald Reagan qui disait :

« On a, sans cesse, augmenté les aides sociales et pourtant il y a de plus en plus de pauvres. Cela ne marche pas »

Dans cette phrase, il s’inspire d’Ayn Rand. D’ailleurs, il va immédiatement couper dans les budgets sociaux.

A mon sens, cela ne marche pas mieux, il y a toujours plus de pauvres aux États-Unis.

Peut être ses objectifs étaient-il autres : d’une part diminuer la pauvreté en Chine et d’autre part augmenter le nombre et la richesse des milliardaires américains. Dans ce cas, on peut dire qu’il a réussi.

Pour revenir à Ayn Rand, j’ai trouvé cet interview d’une demi-heure, sous-titrée en français : <Interview de 1959>

Vous admirerez son esprit brillant, sa capacité de répondre à toutes les questions en revenant toujours sur les fondements de sa philosophie objectiviste. Vous serez peut-être aussi pétrifié par la froideur du raisonnement et des arguments.

Jean Lebrun lui a consacré une émission de ¾ d’heures, le samedi 24 octobre 2020.

J’ai trouvé le titre de son émission très pertinent : <Ayn Rand : Je sans les autres ?>

Le journal « Les Echos », lors de la sortie de son livre « La grève » en livre de poche en 2017, lui a consacré un article < Ayn Rand : La libérale capitale>

On y lit cette description :

« Ayn Rand exalte l’égoïsme. Mais pas n’importe lequel, «l’égoïsme rationnel». Selon elle, l’homme ne doit vivre que par et pour lui-même. Il doit poursuivre son intérêt et chercher son propre bonheur. Sans sacrifier sa vie aux autres, sans apparaître non plus comme un prédateur. « L’individualiste est celui qui reconnaît le caractère inaliénable des droits de l’homme – les siens comme ceux des autres. L’individualiste est celui qui affirme: «Je ne contrôlerai la vie de personne – et je ne laisserai personne contrôler la mienne»», écrit-elle. Une éthique de l’estime de soi, d’où découlent toutes les vertus: la rationalité, l’indépendance, l’intégrité, la fierté… Contre les apôtres de l’altruisme, la philosophe veut convaincre des bienfaits de la libre entreprise. Ses romans magnifient les entrepreneurs et les créateurs de richesse, qui osent aller, seuls contre tous, à l’assaut de tous les obstacles imaginables. Le capitalisme de laisser-faire y est naturellement le système idéal. «Ayn Rand promeut l’exacte antithèse du modèle social-étatique à la française, »

Dans l’entretien vers lequel je renvoie ci-avant, elle évoque aussi plusieurs fois « la vertu » au sens classique qui doit présider la rationalité.

Le magazine qui essaie de décrypter le futur « Usbeketrica » a commis un article en 2019 : <Ayn Rand, la Che Guevara du capitalisme> qui la présente ainsi :

« Vous couperiez dans la Bible ? » C’est en ces termes qu’en 1956 Ayn Rand répond sèchement à son éditeur Random House, qui l’invite à apporter des modifications à son roman fleuve La Grève, une somme de plus de 1 200 pages. En une phrase, le personnage est posé. On ne plaisante pas avec Ayn Rand. On ne met pas en doute la parole de la grande prêtresse du capitalisme et de la raison. La Grève, c’est le grand œuvre d’Ayn Rand, le livre qui assoit définitivement son aura et sa réputation. Celui, aussi, qui va marquer durablement l’histoire des idées en Amérique […] Ayn Rand a tout de même vendu plus de 30 millions d’exemplaires de ses ouvrages dans le monde, exerçant une influence colossale sur des générations de penseurs, politiques et chefs d’entreprise. « Jusqu’à Ayn Rand, le capitalisme n’avait paradoxalement jamais su se vendre, en tout cas pas de manière aussi sexy, écrit Stéphane Legrand, auteur de Ayn Rand, femme capital (Éditions Nova, 2017). Il lui manquait un conteur, mieux : un aède (poète épique au temps de la Grèce antique, ndlr), quelqu’un qui ait du souffle, une vision (…). Ayn Rand a inventé le capitalisme des mythes. »

Stéphane Legrand qui avait écrit, sur le site de « Slate », en 2017, un article : «Ayn Rand, la romancière qui fascine les Américains mais que la France ignore »

Il écrit :

« Cette auteure, qu’on a pu décrire d’une formule saisissante et synthétique comme «the ultimate gateway drug to life on the right» (l’ultime drogue de passage vers une vie de droite), n’a pas seulement suscité frissons romantiques et enthousiasmes acnéiques chez les étudiants marginaux avides de s’identifier à des surhommes solitaires, ou parmi les housewives des salons de lecture amatrices de chardonnay. Sa philosophie (car elle se voulait aussi philosophe, un peu comme Sartre se voulait écrivain) a exercé et continue à exercer une influence considérable sur tous les courants de la droite américaine la plus musclée – du courant libertarien à l’anarcho-capitalisme en passant par les ultra- conservateurs du Tea Party – mais aussi auprès de nombreuses personnalités de premier plan du mouvement républicain. Elle fut le mentor du jeune Alan Greenspan, on a pu la considérer comme «la philosophe officielle de l’administration Reagan », […]

L’œuvre d’Ayn Rand demeure pour la pensée conservatrice, surtout aux États-Unis, une inspiration aussi puissante que paradoxale. Elle la met à certains égards face à ses contradictions – notamment pour ce qui touche à l’attachement profond de cette droite aux valeurs qu’elle considère curieusement comme chrétiennes, que l’athéisme militant de Rand embarrasse. Mais elle a aussi contribué à donner forme, qu’on y voie une tension féconde ou un habile tour de passe-passe, à certains de ses dilemmes constitutifs. Comment obtenir l’approbation des foules au moyen d’une idéologie opposant l’individu solitaire et génial aux masses apeurées et abruties ? Comment concilier un désir névrotique de contrôle sur les désirs, la pensée et le corps des populations (leurs options sexuelles ou leur droit à avorter par exemple) avec une philosophie de la responsabilité personnelle, de l’autonomie individuelle et du moindre gouvernement ? Comment susciter l’enthousiasme quasi hypnotique des couches les plus précarisées pour un projet social dont la finalité est de les broyer ? Par quelle mystification métamorphoser le maintien du statu quo ou l’imposition de dynamiques rétrogrades en paradigme de l’innovation audacieuse et en monopole des « vrais projets d’avenir», cependant que toute tentation progressiste se verra requalifiée en nostalgie passéiste ou engraissage du Mammouth ? […] Ayn Rand, sa pensée et son influence persistante représentent un engrenage essentiel dans la genèse de cet hybride moderne qu’est la pensée néoréactionnaire, mélange improbable de conservatisme exacerbé et d’ultralibéralisme. »

Je finirai par un article un peu décalé sur le site de la « Revue Politique et Parlementaire » qui essaie de s’interroger sur ce que Ayn Rand aurait pensé de la gestion de la COVID 19 par les gouvernements :

« Ayn Rand et la Covid-19 : peut-on agir dans l’urgence de manière « non sacrificielle » ? »

Il est certain que cette femme, cette intellectuelle ne peut pas laisser indifférente.Il faut comprendre aussi que si elle a eu une telle influence aux États-Unis, c’est que sa philosophie correspond à l’esprit d’un grand nombre d’américains qui est assez loin de nos schémas français d’un État fort, centralisateur, social et redistributeur.

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