Jeudi 31 décembre 2020

« Viens voir les comédiens, voir les musiciens, voir les magiciens qui arrivent »
Charles Aznavour

L’année Beethoven a été plus que perturbée par la fermeture des salles de concerts.

L’année 2020 a été, bien sûr, marquée par la pandémie mais surtout par les immenses sacrifices qui ont été demandées au monde de la culture.

Jacques Attali critique le sort qui a été réservé à la culture par rapport aux lieux de consommation et aux lieux de culte. Il dit une chose qui me parait très juste : « Le virus nous empêche d’être ensemble » :

« Par définition, la culture, c’est essentiellement être ensemble. C’est le bien essentiel premier de nos cultures. C’est pour ça que je préfère parler d’économie de la vie. Les secteurs de l’économie de la vie sont la santé, l’éducation, la culture, la recherche, l’énergie propre ou le logement durable… »

Et puis il revient sur l’utilisation de cette dichotomie maladroite de l’essentiel et du non essentiel. Non que cette distinction n’ait pas de sens, mais le problème est de classer la culture, ce qui distingue homo sapiens des autres espèces, dans la catégorie non essentiel :

« Qu’est-ce qui n’est pas essentiel ? C’est ce qui n’est pas nécessaire pour vivre. Il y a des choses qui ne sont pas nécessaires pour vivre, mais on ne peut pas ranger la culture dans les biens qui ne sont pas nécessaires pour vivre. Ou alors, on fait l’apologie de l’analphabétisme, de la barbarie. C’est absurde !»

Et puis il constate, alors que nous entendons si souvent la valeur de la laïcité mis en avant par nos gouvernants que :

« C’est aussi paradoxal qu’au moment où on parle de l’importance de la laïcité, on fasse le choix de privilégier les fêtes d’une religion sur les fêtes laïques [Noël par rapport au 31 décembre] et qu’on préfère ouvrir les lieux de culte plutôt que les lieux culturels. ».

Et pour lui, il n’y a qu’une solution c’est d’être équitable, dans le fardeau à porter, entre tous les acteurs de la société :

« Ce qui pose problème, c’est être ensemble. C’est ça qui pose problème aux virus et on peut le comprendre. Mais alors, il faut interdire “l’être ensemble” provisoirement, d’une façon équitable. Il ne faut pas permettre l’être ensemble, commercial ou religieux et interdire tout “être ensemble” culturel. Ça n’a pas de sens. Il faut que ça soit équitablement limité. »

Le sociologue Jean Viard est plus compréhensif par rapport aux décisions prises :

« On a trois motifs de déplacement : le travail, l’éducation et les plaisirs. On a tout fait pour restreindre les plaisirs, pour essayer de lutter contre le virus. Chaque décision prise, en elle-même, est totalement absurde. On peut très bien aller au théâtre, les salles ont mis en place des règles de sécurité. On aurait pu faire un réveillon du nouvel an extrêmement sage… Les choix pour diminuer les flux sont absurdes. Mais c’est une solution, une solution absurde dont l’objectif est de sauver des millions de vies.  »

Avec son immense talent, François Morel s’étonne aussi cette différence faite entre les lieux de culte et les lieux de culture : <J’aurais dû me faire curé>

« J’aime prendre l’habit de Tartuffe ou d’Alceste
De Ruy Blas ou d’Ubu. Je suis un palimpseste
Sur lequel sont inscrits des rôles qui s’effacent,
Dont il reste des bouts avec le temps qui passe.
J’aime aller me changer pour être un personnage
Devenir quelqu’un d’autre et vivre davantage.
J’aime aller m’affubler du nez de Cyrano,
Passer une rhingrave, une cape, un manteau.
Enfiler un costume et changer d’apparence,
Ça a moins d’intérêt en visioconférence.
Parce qu’en ce moment triste est mon quotidien
Si je ne peux pas jouer, je ne sers plus à rien
Alors que mon beau-frère et ça c’est pas logique
Il peut servir la messe en habits liturgiques…. »

Écouter le reste sur le site de France Inter : <J’aurais dû me faire curé>

Et puis il y a ce détournement très drôle et pourtant tragique du livre de la jungle : < On a fermé tous les cinés>.

Cette année ne peut pas être qualifiée du titre de la pire année de l’Histoire, il suffit d’ouvrir un livre d’Histoire pour en être convaincu. Elle est peut être la pire année que l’un ou l’autre a vécue dans sa vie. Pour la finir, j’ai pensé fêter le monde de la culture par une chanson.

Une chanson qui célèbre les comédiens, les musiciens et les magiciens.

Car, Oui ! on peut être subjugué par la musique de Beethoven et aimer Charles Aznavour

<Aznavour chante les comédiens avec Liza Minelli>

Et voici les belles paroles écrites par Jacques Plante et sur lesquelles Aznavour a écrit la musique.

Viens voir les comédiens
Voir les musiciens
Voir les magiciens
Qui arrivent

Viens voir les comédiens
Voir les musiciens
Voir les magiciens
Qui arrivent

Les comédiens ont installé leurs tréteaux
Ils ont dressé leur estrade
Et tendu des calicots
Les comédiens ont parcouru les faubourgs
Ils ont donné la parade
A grand renfort de tambour
Devant l’église une roulotte peinte en vert
Avec les chaises d’un théâtre à ciel ouvert
Et derrière eux comme un cortège en folie
Ils drainent tout le pays, les comédiens

Viens voir les comédiens
Voir les musiciens
Voir les magiciens
Qui arrivent

Viens voir les comédiens
Voir les musiciens
Voir les magiciens
Qui arrivent

Si vous voulez voir confondus les coquins
Dans une histoire un peu triste
Où tout s’arrange à la fin
Si vous aimez voir trembler les amoureux
Vous lamenter sur Baptiste
Ou rire avec les heureux
Poussez la toile et entrez donc vous installer
Sous les étoiles le rideau va se lever
Quand les trois coups retentiront dans la nuit
Ils vont renaître à la vie, les comédiens

Viens voir les comédiens
Voir les musiciens
Voir les magiciens
Qui arrivent

Viens voir les comédiens
Voir les musiciens
Voir les magiciens
Qui arrivent

Les comédiens ont démonté leurs tréteaux
Ils ont ôté leur estrade
Et plié les calicots
Ils laisseront au fond du cœur de chacun
Un peu de la sérénade
Et du bonheur d’Arlequin
Demain matin quand le soleil va se lever
Ils seront loin, et nous croirons avoir rêvé
Mais pour l’instant ils traversent dans la nuit
D’autres villages endormis, les comédiens

Viens voir les comédiens
Les musiciens
Les magiciens
Qui arrivent

La chanson date de 1962.

Après tous ces mots du jour écrits depuis le 21 septembre, dans lesquels il a été question de Beethoven, de Camus, de Daniel Cordier et d’Anne Sylvestre, mais aussi de ce poème de Rilke, si merveilleusement habité par Laurent Terzieff : «Ce n’est qu’alors qu’il peut arriver qu’en une heure très rare, du milieu d’eux, se lève le premier mot d’un vers.» et bien d’autres encore, vous comprendrez qu’il m’est nécessaire de me reposer un peu.

Le mot du jour reviendra en février 2021.

Je redonne le lien vers la chanson : <Aznavour chante les comédiens avec Liza Minelli>

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2 réflexions au sujet de « Jeudi 31 décembre 2020 »

  • 31 décembre 2020 à 9 h 23 min
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    Merci Alain, très touchée par l’interprétation de Rilke par Laurent Terzieff, Les lettres à un jeune poète sont un de mes livres de chevet. Beau cadeau de fin d’année, Bon début d’année à toi et Annie, et bonne gestation d’ici le prochain mot de février!

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    • 31 décembre 2020 à 13 h 35 min
      Permalink

      Merci Elisabeth, bon début d’année à toi aussi.

      Répondre

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