Mercredi 16 mai 2018

« Mai 1968 et la guerre du Viet Nam»
Poursuite du butinage de mai

Dans le mot du jour de lundi, j’avais précisé qu’en Allemagne et bien sûr aux Etats-Unis, les étudiants manifestaient d’abord contre la guerre du Viet-Nam.

Mais la France et le mai 68 sont aussi liés étroitement à la guerre du Viet Nam.

Tout le monde l’écrit aujourd’hui : « Mai 68 a commencé le 22 mars à l’Université de Nanterre».

Il faut même remonter au 20 mars 1968, lorsqu’à l’appel du Comité Vietnam, 200 à 300 personnes brisent les vitrines d’une agence parisienne d’American Express. Plusieurs manifestants, dont Xavier Langlade (futur dirigeant de la Ligue communiste révolutionnaire), étudiant très populaire à Nanterre, sont arrêtés.

Les étudiants de Nanterre veulent les faire libérer. C’est alors que le 22 mars, aucune libération n’étant survenue, entre 400 et 500 personnes se retrouvent à 17 heures pour une AG.

Et c’est Paris-Match qui raconte la suite :

« Plutôt que d’occuper l’habituel bâtiment de sociologie, il est décidé, «pour démontrer [leur] volonté de lutter contre la répression», dixit Daniel Cohn-Bendit, déjà à la manœuvre, de s’installer dans une salle interdite, celle des conseils d’université, au 8e étage de la tour centrale du campus. «J’avais participé à la tentative d’occupation de la Sorbonne en 1964, se souvient Prisca Bachelet, une participante. Ça avait échoué, et pourtant ça avait été tellement préparé! Ce 22 mars, il y avait un rapport à la parole, à l’action et à la décision radicalement nouveau, qu’on devait beaucoup aux anarchistes et aux libertaires comme Jean-Pierre Duteuil ou Daniel Cohn-Bendit. Les gens parlaient librement. Pour moi qui avais l’habitude des groupements politiques et syndicaux, c’était extraordinaire.» Une partie des présents s’attelle à l’écriture de ce qui deviendra le «manifeste des 142», qui appelle à une journée de réflexion la semaine suivante. La séance se termine à 1h20 après une «Internationale» chantée le poing levé. Et l’on se quitte sans savoir que le germe de mai vient d’être planté.

Le mouvement du 22 mars se transforme en une plateforme construite par l’action et emmenée par ceux qu’on appelle les «enragés». Pour la première fois, les groupuscules gauchistes réussissent à dépasser leurs divergences. »

Le premier acte de mai 68 avait pour objet de faire libérer des étudiants qui ont été arrêtés suite à une manifestation contre la guerre du Viet Nam.

Nous sommes en pleine guerre froide, pour les Etats-Unis il s’agit d’empêcher l’expansion communiste. Le Nord Viet Nam est communiste mais le Sud Viet Nam se trouve sous la protection américaine car sinon il ne pourrait résister aux assauts des troupes du Nord Viet Nam et de la guérilla locale qui ont pour nom « Le Viet Cong ». Pour les Etats-Unis c’est avant tout un combat politique.

Mais pour les vietnamiens communistes, le combat est aussi nationaliste il faut chasser les troupes d’occupation.

A l’occasion de la mort du célèbre général vietnamien GIAP, j’avais lors d’un mot du jour de 2013 rapporté cet entretien qu’avait dévoilé le général GIAP, lui-même lors d’une interview de l’Humanité :

« Une autre fois, j’étais à Moscou pour demander une aide renforcée et j’ai eu une réunion avec l’ensemble du bureau politique. Kossyguine m’a alors interpellé : ” Camarade Giap, vous me parlez de vaincre les Américains. Je me permets de vous demander combien d’escadrilles d’avions à réaction avez-vous et combien, eux, en ont-ils ? ” ” Malgré le grand décalage des forces militaires, ai-je répondu, je peux vous dire que si nous nous battons à la russe nous ne pouvons pas tenir deux heures. Mais nous nous battrons à la vietnamienne et nous vaincrons.  »

Et c’est ce qu’ils ont fait. L’Amérique s’est vraiment engagé dans cette guerre à partir de 1961 quand le président John F. Kennedy envoya plus de 15 000 conseillers militaires. Mais la présence des Etats-Unis est antérieure. En 1998, le gouvernement fédéral des États-Unis détermine que les militaires américains tombés après le 1er novembre 1955 — date de la création du premier groupe de conseillers militaires américains au Sud Viêt Nam — peuvent être considérés comme morts durant la guerre du Viêt Nam.

Et Lyndon Johnson qui succéda à Kennedy après son assassinat le 22 novembre 1963 en sa qualité de vice-président, fut contraint à encore augmenter l’effort de guerre. Il terminera la présidence de Kennedy, puis sera élu sur son propre nom, l’emportant largement à l’élection présidentielle de 1964. 1968 est année d’élection présidentielle aux Etats-Unis et Lyndon Johnson peut et veut se représenter, mais il en sera empêché en raison de la guerre du Viet Nam .

Terrible année 1968 aux Etats-Unis, pendant laquelle d’abord Martin Luther King fut assassiné le 4 avril 1968 à Memphis et puis ce fut le tour de Robert F. Kennedy, le 6 juin 1968 alors qu’il venait de remporter la primaire de Californie, ce qui faisait alors de lui le candidat le plus probable du parti démocrate.

Jamais l’engagement américain n’a été aussi fort qu’au Vietnam en 1968. Les GI’s débarquent par vagues entières pour atteindre le chiffre record de 500 000 soldats

Le président Johnson annonça son renoncement lors d’un discours le 31 mars 1968, discours dans lequel il annonce également l’arrêt immédiat et sans condition des raids au Viêt Nam et appelle Hô Chi Minh à négocier la paix.

Car en janvier 1968, avait commencé l’offensive du Tết. Le gouvernement américain avait promis la « lumière au bout du tunnel » et la victoire.

Mais le 30 janvier 1968, l’ennemi, supposé être sur le point de s’effondrer, lança l’offensive du Tết en combinant les forces du Front national de libération du Sud Viêt Nam (ou Việt Cộng) et de l’Armée populaire vietnamienne. L’offensive commence prématurément le 30 janvier 1968, un jour avant la nouvelle année lunaire, le Têt. Le 31 janvier, 80 000 soldats communistes attaquent plus de 100 villes à travers le pays dans la plus grande opération militaire conduite à ce point de la guerre

Le général Giap, mobilisa la quasi-totalité de ses effectifs dans la bataille.

Les buts poursuivis étaient le soulèvement de la population sud-vietnamienne contre la République du Viêt Nam, démontrer que les déclarations américaines selon lesquelles la situation s’améliorait étaient fausses, et dévier la pression militaire pesant sur les campagnes vers les villes sud-vietnamiennes.

Du point de vue militaire, cette offensive, la première guerre ouverte à grande échelle des communistes, fut un échec. Face à la puissance de feu américaine, ils furent massacrés, et il leur fallut deux ans pour reconstituer leurs forces. Mais du point de vue politique, ce fut une victoire. Aux États-Unis, on prit soudain conscience de la force des communistes du Sud. Une grande majorité d’Américains eut le sentiment d’avoir été trompée et la victoire semblait désormais impossible. Le 29 février 1968 le secrétaire à la Défense, Robert Macnamara, démissionna.

9 jours avant les vietnamiens avaient engagé un autre front la bataille de Khe Sanh qui fut la plus longue de la guerre du Viet Nam.

La population américaine perdit la foi en la victoire.

En outre, les médias commençaient à montrer des images et des exactions des soldats américains excédés et devenant fous.

C’est aussi en 1968, le 16 mars 1968 qu’eut lieu le massacre de Mỹ Lai, en plus de ne pas parvenir à gagner la guerre, l’Amérique était en train de perdre son âme. Les jeunes d’Amérique, comme les jeunes des autres pays occidentaux ne pouvaient qu’être révoltés par cette guerre sale devenu incompréhensible.

Ici un journal de Cleveland relate cette tuerie et montre aux américains une photo de la réalité : des civils massacrés.

Depuis le Viet Nam, les occidentaux n’ont plus vraiment pu gagner de guerres, de ces guerres que l’on dit asymétriques.

La plus grande armée du monde peut encore gagner des batailles contre des armées régulières comme celle d’Irak, mais elle ne peut plus gagner la guerre car les politiques n’arrivent plus à gagner la paix.

Contre l’Allemagne nazi et contre le Japon impérialiste, les alliés y étaient parvenus. Depuis ils n’y arrivent plus.

En 1968, ce fut Nixon qui gagna les élections et ce fut lui aidé par Henry Kissinger qui se résolut à arrêter cette guerre par les Accords de paix de Paris en 1973. Mais ce ne fut pas la paix mais simplement le retrait militaire américain.

La guerre continua et se termina en 1975 par la victoire totale du Nord Viet-Nam.

La guerre du Viet Nam hantait les nuits des soldats américains et révoltait la jeunesse du monde entier.

Le secrétaire d’état à la défense, lors de la guerre du Viet Nam, Robert McNamara écrivit un livre « Avec le recul. La tragédie du Vietnam et ses leçons »

On peut y lire cet aveu :

« Nous, membres des administrations Kennedy et Johnson parties prenantes aux décisions sur le Vietnam, avons agi selon ce que nous pensions être les principes et les traditions de notre pays. Nous avons pris nos décisions à la lumière de ces valeurs. Pourtant, nous avons eu tort. Terriblement tort.»

Dans cet ouvrage Mac Namara révèle aussi que de 1965 à 1968, l’opération Rolling Thunder (tonnerre roulant), nom de la campagne de bombardement va « déverser sur le Vietnam plus de bombes qu’on n’en avait lâché sur toute l’Europe pendant la Seconde Guerre mondiale »

Cette guerre aura coûté la vie à plus de 58.000 soldats américains, 250 000 morts sud-vietnamiens et 1 300 000 morts nord vietnamiens. Je ne commente pas. Quelquefois, rarement, les chiffres parlent d’eux mêmes.

Les manifestations contre la guerre du Viet nam fut un grand catalyseur des colères étudiantes en 1968.

L’historien Laurent Jalabert écrivit en 1997 un article sur ce sujet : « Aux origines de la génération 1968 : Les étudiants français et la guerre du Vietnam » que vous pourrez lire <Ici>.

Et en France le 16 mai 1968 les grèves s’étendent dans le mouvement ouvrier : chez Renault à Flins, à Billancourt, au Mans et à Sandouville, à la manufacture d’armes de Bayonne, chez Kleber-Colombes et Rhône-Poulenc à Elbeuf, chez Dresser-Dujardin au Havre, chez Unelec à Orléans. Et à Renault-Billancourt, le cortège venu du Quartier latin trouve porte close, la CGT voulant éviter tout risque de “provocation”. Les ouvriers et les étudiants manifestent, mais pas ensemble !

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Mardi 15 mai 2018

« Ce qui s’est passé en 1968 dans le monde, en dehors de mai 68 »
Poursuite du butinage et des réflexions autour de mai 1968

Le mot du jour d’hier avait vocation à montrer que le mai 1968 des étudiants et de la jeunesse, n’étaient pas que français. Il était aussi allemand, italien, espagnol, brésilien, tchécoslovaque, brésilien, mexicain.

Mais que se passait-il d’autres en 1968 qui n’était pas le mouvement de mai 68 ?

Il y avait la guerre du Viet-Nam, mais j’y reviendrai par un article spécifique.

En 1968, au Stanford Research Institue de Californie, dans le cadre de la première vidéo conférence de l’histoire, L’ingénieur Douglas C Engelbart exhibe un petit cube en bois. Le public, médusé, découvre un boitier capable de déplacer un pointeur sur l’écran de l’ordinateur. L’aïeul de la souris allait révolutionner l’usage de l’informatique.

Grâce à cette photo, vous voyez à quoi cela ressemblait. <Le mot du jour du 5 juillet 2013>, célébrait cette invention car 2 jours avant Douglas Engelbart était mort à l’âge de 88 ans

En février 1968, Grenoble accueillait les jeux Olympiques d’hiver, car à cette époque les jeux olympiques d’Hiver et d’été avaient lieu la même année Olympique. La fin de l’année 1968 verrait les jeux olympiques d’été de Mexico.

Lors de ces jeux Jean-Claude Killy gagna les trois médailles d’or en descente, slalom spécial et slalom géant. Mais ces jeux comptaient 10 disciplines et 35 épreuves. Lors des derniers jeux d’hiver, ceux de 2018 à Pyeongchang en Corée du Sud, il y eut 15 disciplines et 102 épreuves. Constatant une certaine inflation permettant probablement un meilleur business.

Pour les esprits curieux vous saurez que la dernière année olympique qui rassembla les jeux d’hiver et d’été fut 1992 où les jeux d’hiver eurent lieu à Albertville et les jeux d’été à Barcelone.

C’est aussi en 1968, en plein pendant les évènements, le 12 mai 1968 que le Père Boulogne 57 ans, religieux, se voit greffer le cœur d’un jeune douanier décédé. C’est la première transplantation de cœur en France. La première dans le monde fut réalisée par le professeur Christian Barnard en décembre 1967 en Afrique du Sud. Le 6 janvier ce sera au tour du Professeur Norman Shumway à Stanford en Californie de pratiquer la première greffe du cœur aux Etats-Unis.

L’opération en France avait été dirigée par le Professeur Charles Dubost et le cœur greffé du Père Boulogne battra pendant dix-sept mois et 5 jours.

Comment ne pas parler du « Concorde ». L’avion est présenté officiellement, le 11 décembre 1967. Il est ensuite présenté à la population toulousaine le 28 janvier 1968. Le premier vol d’essai de Concorde 001 eut lieu au-dessus de Toulouse, le 2 mars 1969

Et puis peu avant Noël 1968, la NASA envoie Apollo 8 faire le tour de la lune. Six mois plus tard, Neil Armstrong posera le premier pied humain sur le satellite de la terre, lors de la mission Apollo 11. Elle avait été précédé par Apollo 7 (11 octobre 1968 – 22 octobre 1968) qui fut la première mission habitée du programme Apollo. Ce fut également la première mission américaine à envoyer une équipe de trois hommes dans l’espace et la première mission à diffuser des images pour la télévision.

Nous étions, en effet, en pleine conquête spatiale. Mon butinage d’aujourd’hui nous rappelle à quel rythme très soutenu cette mission avançait, car avant Apollo 11, il y eut encore deux autres fusées qui seront lancées, en quelques mois.

Si maintenant on s’intéresse aux œuvres de l’esprit :

Le 8 mai 1968, Marguerite Yourcenar publie « L’Œuvre au Noir » livre dans lequel elle crée un personnage fictif du XVIème siècle : Zénon auquel, selon l’express du 10 juin 1968 qui présente cet ouvrage, l’écrivaine a prêté les traits d’Erasme, de Léonard, de Paracelse, de Michel Servet, Campanella. Comme eux, il lutte contre la bêtise, la routine et les préjugés.

L’express du 22 juillet 1968 nous apprend que le grand écrivain Albert Cohen publie le troisième volet de sa trilogie consacrée aux Solal : « Belle du Seigneur »

L’express du 16 décembre 1968 annonce la traduction et la parution en français de « Sexus » d’Henry Miller, censuré neuf ans durant. L’article de l’Express donne la parole à Henry Miller : « Le sujet de mes livres, ce n’est pas le sexe, c’est la libération de soi » mais le journal de Servan Schreiber et Françoise Giroud ajoute : « Sexus contient les pages les plus scabreuses d’un auteur qui a franchi depuis longtemps le mur de la pornographie.

Au cinéma on trouve les sorties suivantes :

  • 8 mars 1968 : Le bon, la brute et le truand de Sergio Leone ;
  • 17 mars 1968 : La mariée était en noir de François Truffaut avec Jeanne Moreau
  • 1er avril 1968, le bal des vampires de Roman Polanski avec dans le rôle principal son épouse Sharon Tate qui sera assassinée l’année suivante
  • 4 septembre 1968, le Lauréat qui révèle Dustin Hoffman et célèbre les amours post-adolescents (L’express du 9 septembre 1968)

Et surtout

  • Le 27 septembre 1968 : 2001 Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick dans lequel l’intelligence artificielle du robot qui avait pour nom « Hal » tentait de ne pas se faire débrancher par l’homme qui venait de constater qu’il était en train de prendre des décisions contraires aux intérêts des humains.

Et puis il y a d’autres choses qui se passent dans le monde qui sont moins réjouissantes :

D’abord la révolution culturelle en Chine.

Le 8 août 1966, le comité central du parti communiste chinois avait émis un projet de loi (sans doute rédigé par Mao) concernant les « décisions sur la grande révolution culturelle prolétarienne ». Ce texte constitue une forme de charte de la Révolution culturelle. La révolution culturelle, un moment d’une violence inouïe, chaotique atteindra son apogée en 1968.

Parmi ceux ont fait mai 1968 en France, il y avait un nombre important de maoïstes ou du moins des gens qui exprimaient une grande sympathie pour Mao. La Gauche Prolétarienne était une des structures qui regroupaient ces militants : Benny Lévy, Alain Geismar, Serge July, Gérard Miller, Marin Karmitz, André Glucksmann, Daniel Rondeau, Olivier Roy etc.

<Dans cet article : L’enfant et les gardes rouges> il est question de Xu Xing qui vit cette période à 12 ans, séparé des siens et qui est devenu écrivain et réalisateur. Il raconte la violence dont il a été témoin :

« La violence était partout Surtout entre 1966 et 1968. Tous les jours, des maisons étaient mises à sac. Lui est trop petit pour être visé par les Gardes rouges. Et sa famille, envoyée à la campagne, échappe à l’acharnement des petits soldats de Mao. Mais ma voisine a été battue à mort ou presque se souvient-il. Elle était propriétaire, dans ma ruelle d’une grande cour. La porte était toujours fermée et elle ne se mélait pas aux voisins. Un jour, un groupe de gardes rouges est entré. Tout à coup, on a entendu un cri terrifiant et ils ont fait sortir cette vieille femme, à laquelle ils avaient coupé les cheveux n’importe comment. Ils l’ont jetée dans un triporteur et, debout, les gardes rouges la frappaient avec une ceinture en cuir. Son corps était couvert de sang…Ses cris je m’en souviens encore ».

L’autre drame, outre le Viet Nam, dans le monde en 1968 était la famine au Biafra

Il s’agit d’une guerre civile entre ethnies au Nigeria dont l’origine plonge à la fois dans les frontières artificielles et les antagonismes qui ont été provoqués par les colonisateurs européens. L’ethnie des ibos, catholiques avaient longtemps été privilégiés par les blancs. Au début de l’indépendance du Nigéria, cette ethnie tenait plutôt les leviers du pouvoir, mais minoritaire elle va bientôt être rejetée et faire l’objet de massacres par les populations du nord, musulmanes, les Haoussas et les Fulanis. La population Ibos se retranche alors dans sa région d’origine qui va devenir le Biafra et va tenter par les armes d’obtenir son indépendance. Mais le Biafra dirigé par un chef intransigeant et rigide : le colonel Ojukwu lâché par les occidentaux et les autres pays africains qui ne veulent pas remettre en cause les frontières de l’Afrique, encerclé et soumis à un blocus par les troupes nigérianes fédérales beaucoup plus nombreuses, va d’abord mourir de faim avant que la rébellion ne s’écroule. Un article d’un journal suisse essaye d’expliquer la complexité de ce conflit et l’utilisation de la famine comme ultime arme de communication du colonel Ojukwu pour essayer d’obtenir l’indépendance.

Les images sont insoutenables. Il suffit de chercher sur un moteur de recherche « famine Biafra » pour en trouver de nombreuses.

C’est lors de ce conflit que les premières organisations humanitaires vont naître, des médecins dont Bernard Kouchner le plus médiatique d’entre eux vont d’abord sous l’égide de la Croix Rouge se rendre sur ce territoire où agonise un peuple et en réaction créer « médecins sans frontières » puis d’autres ONG analogues.

Voilà ce qui se passait dans le monde en 1968 pendant que les étudiants français écrivaient des slogans sur les murs comme : « Sous les pavés, la plage ». Il est vrai que Romain Goupil avec Daniel Cohn-Bendit, invité par France Inter, hier le 14 mai,  pour leur film, présenté à Cannes, «la traversée» et présentant la France d’aujourd’hui, a transformé ce slogan au cours de l’émission en disant : « Sous les pavés, les sages ». Car il reconnaissait qu’en 1968 il était sectaire, bolchevique et gauchiste. Ce documentaire sera diffusé le 21 mai à 20h50 sur France 5.

 

 

A Paris, le 15 mai 1968, le Théâtre de l’Odéon est occupé.

 

 

 

 

 

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Lundi 14 mai 2018

« Mai 68 dans le Monde »
Butinages autour de mai 68

J’ai longtemps hésité avant de me lancer dans la rédaction d’une série de mots du jour sur mai 68.

En mai 68, je n’avais pas encore dix ans, je n’ai aucun souvenir dans ma mémoire de ce moment, sauf peut-être la tentative de Daniel Cohn Bendit de revenir en France après son expulsion, parce qu’il a essayé de le faire au poste frontière de la Brême d’or qui se situait à 2 km de ma maison familiale.

Par la suite je n’ai jamais été intéressé par cette pseudo-révolution.

C’est pourquoi quand Michelle nous a rendu visite vers le 22 mars et m’a suggéré: «  j’espère que tu vas nous faire des mots du jour sur mai 68. » j’ai simplement répondu que ce n’était pas prévu..

Cependant c’est un sujet qui semble beaucoup occuper les médias.

Plus étonnant, le Président Macron s’est posé la question de commémorer cet évènement !

L’Obs nous apprend que Daniel Cohn Bendit et un de ses vieux complices du mouvement de mai 68, Romain Goupil s’entretiennent régulièrement avec le Président :

« Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, Cohn-Bendit et Goupil, que certains surnomment “le couple Dany” tant ils sont inséparables, sont des interlocuteurs réguliers du président. “Ils font partie des capteurs que le président aime voir”, dit un de ses proches. »

Et c’est donc, toujours d’après l’Obs que par SMS, le président de la République a testé l’idée auprès du tandem : « Commémorer officiellement Mai-68 ?  »

Et Dany le rouge devenu Dany le vert a immédiatement répondu, aussi par sms :

« Qu’est-ce que c’est que cette idée ? Rien à cirer ! »

C’est aussi simple et direct que cela…

Depuis quelques années, les présidents de la république semblent être très concernés par le mouvement de mai 68.

C’est le Figaro qui écrit :

« Une chose est sûre: il y a un avant et un après Mai 68. »

Et de rappeler que Nicolas Sarkozy, dans un discours de campagne, en 2007, voulait «liquider l’héritage de Mai 68», responsable d’un «relativisme intellectuel et moral», qui avait introduit «le cynisme dans la société et dans la politique», «liquidé l’école de Jules Ferry» ou encore «abaissé le niveau moral de la politique».

Et l’antépénultième président, au jour d’aujourd’hui, ajoutait :

«Les héritiers de mai 68 avaient imposé l’idée que tout se valait, qu’il n’y avait donc désormais aucune différence entre le bien et le mal, entre le vrai et le faux, entre le beau et le laid».

Le précédent président, en 2012, prenait évidemment une position inverse et revendiquait l’héritage de Mai 68. Dans un discours, François Hollande avait salué :

«Les piétons de Mai 68, qui marchaient la tête dans les étoiles et avaient compris qu’il fallait changer».

Une chose est certaine, ce sujet continue à déchainer les passions, 50 ans après. C’est toujours le Figaro qui cite Henri Guaino :

«Ces enfants gâtés [qui étaient sur les barricades et qui voulaient] «une société sans hiérarchie et avaient accouché d’un monde de l’argent fou et de la cupidité».

Ce même article cite Alain Duhamel qui rappelle une scène qu’on croirait tirée d’un western lorsque Jacques Chirac rencontre Henri Krasucky, syndicaliste CGT, pour préparer le sommet syndical et se rend dans une chambre de bonne avec un revolver dans la poche. Il confie aussi que Pompidou, le jour de la rencontre historique rue de Grenelle, avait demandé à Balladur de bien vérifier que les portes ne soient pas fermées à clef pour éviter d’être pris en otages.

Finalement j’ai pensé qu’il pouvait être intéressant de faire quelques recherches et butinages pour devenir un peu plus savant sur ce sujet.

Et dès qu’on s’intéresse à ce sujet, on constate que ce mouvement étudiant qui a par la suite entraîné des mouvements ouvriers et des grèves n’a pas été limité à la France en 1968. Dans d’autres parties du monde ce mouvement a pu avoir lieu d’autres mois de l’année et aussi présenter des caractéristiques différentes. Mais force est de constater que ce mouvement qui a fait vaciller le pouvoir en France a eu des échos dans d’autres parties du monde.

En quelques minutes ce <petit documentaire> est très pédagogique

A Berlin, les étudiants protestent contre la guerre du Viet Nam et demandent une réforme de l’université et un assouplissement de la société allemande. Le démarrage est plus violent. Le 11 avril 1968 un homme tente d’assassiner Rudi Dutschke qui est le leader le plus connu du mouvement étudiant, il fut très gravement atteint. Rudi Dutschke mourra en 1979 des séquelles neurologiques de cette tentative d’assassinat.

L’Express dans un article du 1er mai 2008 fait remonter en Allemagne, Mai 68 au 2 juin 1967.

C’est le 2 juin 1967 que Mai 68 a commencé en Allemagne. Ce soir-là, des étudiants se rassemblent devant l’opéra de Berlin-Ouest, pour protester contre la visite officielle du chah d’Iran. Accompagné de sa femme, celui-ci assiste en effet à une représentation de La Flûte enchantée, lorsque, peu après 20 heures, les forces de l’ordre chargent les manifestants. Un étudiant de 26 ans, Benno Ohnesorg, tombe sous la balle d’un policier. La photo du jeune homme, allongé à terre, les yeux fermés, a fait le tour du monde. A ses côtés, une jeune femme accroupie lui a glissé son sac en tissu sous la nuque. Ses yeux à elle expriment la colère et semblent chercher de l’aide. Le cliché est devenu aussi célèbre que celui du sourire de Daniel Cohn-Bendit défiant les CRS français, mais la version allemande de la rébellion étudiante est nettement plus dramatique que la version française.

Tous ceux qui avaient participé à la manifestation du 2 juin 1967 racontent avoir été profondément choqués de voir un étudiant «descendu» en toute impunité (le policier sera acquitté) alors qu’il n’avait rien fait d’autre que de protester pacifiquement. Ils vont dès lors s’engager en masse dans l’action politique, à l’image de la jeune femme accroupie sur la photo, Friederike Hausmann, qui déclare aujourd’hui: «A partir de ce jour-là, je ne me suis pas politisée: je me suis radicalisée.» La mort de Benno Ohnesorg, puis en avril 1968, l’attentat contre le leader étudiant Rudi Dutschke (il mourra des suites de cette agression en 1979) vont en effet marquer le début d’une confrontation sociale qui tournera à l’hystérie collective et culminera dix ans plus tard avec la vague terroriste de l’ «automne allemand»

L’article de l’Express a pour titre « Génération Baader ».

Le mouvement de révolte s’abimera dans le sang quelques années plus tard.

A l’époque, la série « Holocauste » n’avait pas encore été produite et vue par les allemands. Ce sera le cas 10 ans plus tard. L’Allemagne ne s’était pas encore plongé dans son histoire macabre et des jeunes s’interrogeaient sur ce que leurs pères et leurs grands-pères avaient fait 25 ans auparavant. J’ai appris récemment que « Hans Martin Schleier », le président du syndicat des patrons allemands en 1977, dont j’avais appris l’existence parce que le 5 septembre 1977, la fraction Armée rouge d’Andreas Baader l’avait enlevé à Cologne puis assassiné, que cet homme donc avait été le bras droit de Heydrich en Tchécoslovaquie et qu’il a ainsi fait partie des responsables de la politique d’extermination en Tchécoslovaquie occupée.

Et dans les autres pays, en Italie, les étudiants demandent la réforme de l’enseignement. En Espagne, les étudiants manifestent contre le régime de Franco, parce qu’en 1968 l’Espagne était une dictature. La dictature réagissant avec les moyens dictatoriaux, créant par exemple une police secrète à l’Université.

Aux Etats-Unis, les étudiants sont surtout engagés contre la guerre au Viet-Nam mais aussi contre le racisme omniprésent.

En Tchécoslovaquie, les étudiants veulent faire tomber le stalinisme qui survit à la mort de Staline.

C’est ce qu’on appellera le printemps de Prague qui débute le 5 janvier 1968, avec l’arrivée au pouvoir du réformateur Alexander Dubček et s’achève le 21 août 1968 avec l’invasion du pays par les troupes du Pacte de Varsovie.

Les étudiants participent ardemment à ce mouvement.

Jan Palach, jeune étudiant de 20 ans s’immolera par le feu sur la place Venceslas à Prague le 16 janvier 1969.et mourra le 19 janvier 1969. Il deviendra le symbole du désespoir de la jeunesse tchécoslovaque.

Un mémorial sera réalisé sur les lieux de son sacrifice.

Au Japon, les étudiants protestent contre l’emprise des Etats-Unis sur la politique japonaise. La lutte est violente entre les étudiants et les forces de l’ordre. Presque partout dans le monde la police est plus brutale que la police française. Le mouvement s’achèvera au Japon en janvier 1969 après une dernière évacuation de masse d’une université par plus de 8000 policiers.

Au Brésil, il y a aussi une dictature, comme en Espagne, elle a débuté en 1964. Ils protestent contre les violences policières. Lors d’une manifestation, le 28 mars 1968, la police tire et tue des étudiants. Cette répression envenime encore la révolte étudiante comme la répression de la dictature qui n’aura jamais été aussi dure qu’à la fin de 1968.

Au Mexique, la jeunesse demande la démocratisation du pays. Mexico va accueillir les jeux olympiques de 1968. L’armée va là aussi réprimer violemment les étudiants et faire en sorte qu’il n’y ait plus d’agitation lorsque les jeux s’ouvrent le 12 octobre. Ainsi le 2 octobre, une manifestation vire au massacre : la fusillade dure 2 heures contre une foule désarmée. Ce sera le bilan le plus désastreux, au niveau humain, de l’ensemble des mouvements étudiants dans le monde.

Je vous redonne le lien vers ce petit documentaire : <Mai 68 dans le monde>

Si vous voulez savoir ce qui s’est passé, en France, le 14 mai 1968, vous avez cette page de l’Obs qui <donne les éléments pour être incollable sur mai 1968>,
A Sud-Aviation Nantes, les ouvriers séquestrent le directeur dès le 14 mai, imités le lendemain par ceux de Renault-Cléon. Les occupations s’étendent très vite : Dès le soir du 14 mai, un millier d’étudiants nantais rejoignent Sud-Aviation et y passent la nuit en discussions avec les ouvriers. Leurs camarades de Caen font de même le 24 mai à Radiotechnique, Moulinex et Citroën. Sur de nombreux piquets de grève comme dans des facultés occupées s’ébauchent entre ouvriers et étudiants des rapprochements spontanés qui ne sont pas toujours bien vus par les syndicats.

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Vendredi 11 mai 2018

« Heb’di »
« Accroche-toi », journal alsacien qui a mis en ligne l’échange entre le Samu de Strasbourg et Naomi Musenga

A moins que vous ayez décidé de vous isoler de toutes informations et de tous médias, il n’est pas possible que vous ignoriez le destin tragique de Naomi Musenga qui a appelé le Samu de Strasbourg en se sentant mourir et qui au lieu d’être prise en charge, a fait l’objet de moqueries au téléphone et a été abandonnée à son sort. Quand quelques heures plus tard elle a enfin été amenée à l’hôpital public, elle est morte d’une hémorragie interne.

Avant de continuer, une photo, tant il est vrai que lorsqu’on voit une image de cette jeune femme rayonnante, on perçoit une part encore plus grande d’empathie.

Ce drame a eu lieu le vendredi 29 décembre 2017, et on n’en parle qu’aujourd’hui, 6 mois après !

Le journal « LE MONDE » publie un communiqué des hôpitaux Universitaires de Strasbourg le 3 mai 2018 dans lequel on peut lire :

« La Direction générale des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg a pris connaissance vendredi 27 avril, d’un article paru dans le journal Heb’di, relatif aux conditions de traitement d’un appel réceptionné au SAMU 67.

Avant toute chose, les HUS s’associent à la peine de la famille et des proches de la patiente et leur présentent leurs sincères condoléances.

Les HUS diligentent dans la foulée une enquête administrative destinée à faire toute la lumière sur les faits relatés dans l’article »

Car c’est bien un tout petit journal alsacien, lanceur d’alerte, qui a eu de la compassion et a fait confiance à la famille de Naomi Musenga pour faire éclater cette histoire 6 mois après les faits.

Aujourd’hui tout le monde s’émeut de cette histoire, mais au-delà du dérapage de deux opératrices (la première des sapeurs-pompiers qui passe la communication à l’opératrice du samu) plante un décor de suspicion et de moquerie :

 “Elle m’a dit qu’elle ‘va mourir’. Elle a 22 ans, elle a des douleurs au ventre, (…) elle a de la fièvre, et ‘elle va mourir’ “,

Tout cela dit sur un ton manifestement incrédule et la seconde opératrice va continuer dans ce sens.

J’ai découvert l’existence, le rôle et aussi les difficultés de ce petit journal Hebdi par la revue de presse de France Inter du 9 mai 2018 qui va un peu plus loin dans l’interrogation :

« Naomi Musenga qui appelait le Samu de Strasbourg  le 29 décembre dernier parce qu’elle se sentait mourir, et elle est morte effectivement, après avoir été moquée et retardée par l’opératrice de la plateforme d’urgence…

“Le scandale qui secoue le Samu” est la Une du Parisien, qui rappelle que Naomi n’est pas seule à avoir été maltraitée en urgence, Thomas en témoigne qui fut amputé de la jambe droite après avoir été invité à réduire lui-même sa fracture avant d’aller à l’hôpital.

Mais pour que toute cette compréhension nous arrive, il a fallu d’abord que l’on entende la voix de Naomi parlant  au Samu,  et il a fallu qu’un journal le publie en premier… Il s’appelle Heb’di, ce qui est un jeu de mots, heb’di signifie accroche-toi en alsacien…  Journal impoli, de dessins caustiques et de papiers fâchés, et un mensuel qui dans sa dernière édition dénonçait l’agonie d’un centre anti cancer à Strasbourg… Heb’di avait mis en ligne l’enregistrement de Naomi le 27 avril… Il a fallu plus de dix jours que le scoop des dissidents devienne un scandale confirmé et authentifié par les media légitimes…

Mais qui est légitime? Heb’di est  porté par son fondateur Thierry Hans… Un ancien électricien passé à la presse parce que les journaux qu’il lisait ne le satisfaisaient pas… il a lancé Heb’di en autoentrepreneur et le maintient en dépit des banques…  Il a raconté tout cela sur un site, capital investissement, consacré aux PME…   Car Heb’di ne va pas bien et pétitionne pour vivre, il reste 75 jours pour sauver le journal qui nous a fait connaitre l’agonie de Naomi…

Et c’est donc une histoire de journalisme aussi que l’on raconte ce matin, quand les grands journaux veulent éclairer l’inquiétante obscurité de la planète… »

C’est donc Heb’di qui sur <cette page> va publier l’enregistrement audio et va révéler cette affaire incroyable :

« Le 29 décembre 2017, 11 heures. Prise de très fortes douleurs, Naomi, à bout de force appelle le SAMU de Strasbourg.

Comme l’indique l’enregistrement les deux opératrices, manifestement de bonne humeur, ricanent. Elles ont un comportement étonnant, moqueur voire méchant.

Elles ne donnent pas suite à la demande d’assistance de la jeune femme, qui est renvoyée vers SOS-Médecins….

La jeune femme de 22 ans arrivera à contacter SOS-Médecins, qui demande… au SAMU d’intervenir !

À l’arrivée des secouristes, Naomi est consciente mais son état se dégrade fortement. Son rythme cardiaque baisse de façon inquiétante lors du transfert aux urgences du Nouvel Hôpital Civil (NHC) de Strasbourg.

Sur place, la jeune maman passe rapidement un scanner, lors duquel elle présente un arrêt cardiaque. Dix minutes de massage cardiaque seront nécessaires. Elle est transférée au service de réanimation où elle décède à 17h30.

Une autopsie sera pratiquée 5 jours après sur un corps « en état de putréfaction avancée ». La cause annoncée est une défaillance multi-viscérale : un ensemble de symptômes comprenant des difficultés très importantes de l’appareil pulmonaire (du type détresse respiratoire) associés à une insuffisance de fonctionnement de plusieurs organes comme le cœur ou le système nerveux. Les rapports médicaux et d’autopsie n’indiquent pas les origines de cette défaillance multi-viscérale.

La famille de Naomi souhaite connaître les réelles causes du décès et savoir si une intervention directe du SAMU aurait pu sauver Naomi. Le procureur a été saisi.

Naomi devait fêter son vingt-troisième anniversaire le premier avril. Sa fille aura deux ans en juillet.

Nous avons contacté les services du SAMU de Strasbourg .

Il nous a été demandé de faire une demande écrite par mail et, à ce jour, nous n’avons reçu aucune réponse. »

Aujourd’hui selon les propos de différentes autorités du SAMU et de la Santé, l’opératrice a commis une faute professionnelle en ne faisant pas appel à un médecin régulateur.

Ainsi on peut lire sur site de <France Info> :

« Christophe Gautier, directeur général des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, a indiqué que l’enquête s’achemine “vers un élément de faute personnelle” […] Dans les premiers éléments que nous avons pu mettre en avant, il m’est apparu que la présomption d’une faute grave de manquement à une procédure avait été constatée. Cela m’a conduit à prendre la décision de suspension à titre conservatoire, qui ne préjuge pas des conclusions définitives, mais qui est nécessaire dans le contexte de ce drame. »

Et sur <cette autre page> de France Info on peut lire

Les propos qui sont tenus par l’opératrice du Samu ne sont “pas acceptables”, confirme François Braun, président de Samu-Urgences de France, sur franceinfo. Selon lui, l’opératrice n’avait pas à prendre seule la décision de rediriger Naomi vers SOS Médecins. “Ce qui est encore moins acceptable, poursuit-il, c’est que normalement tout appel est transmis à un médecin régulateur. C’est ce médecin qui prend les décisions après un interrogatoire médical et, dans ce cas, l’appel n’a pas été transmis au médecin. Ce n’est absolument pas la procédure. Ce n’est absolument pas ce que l’on apprend à nos opératrices. On ne demande pas aux gens de rappeler, on le fait nous-mêmes et on transmet l’appel éventuellement à un autre service.”

Mais au-delà de cette faute,

  • Comment se fait-il que l’autopsie ait été si tardive ?
  • Comment est-il possible qu’il n’y ait pas immédiatement d’enquête interne pour comprendre ce qui s’est passé ?

La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a insisté ce jeudi sur France Info :

« Quand il y a un événement indésirable grave qui aboutit au décès, on doit obligatoirement en référer à l’Agence régionale de santé (ARS) qui doit mener une enquête, voire le faire remonter au ministère.” Or, suite à la mort de la jeune femme, l’ARS n’a rien reçu. »

C’est finalement la famille qui a obtenu après de nombreuses démarches l’enregistrement du SAMU et c’est ce petit journal HEB’DI qui a relayé l’information et non les grands journaux alsaciens « Les dernières nouvelles d’Alsace » ou « L’Alsace » qui ont d’ailleurs publiés l’information encore beaucoup plus tardivement que les autres journaux nationaux qui n’avait pas été rapide (10 jours !) comme s’en étonnait le journaliste de la Revue de Presse de France Inter.

C’est pourquoi, il est important qu’il existe des journaux indépendants, des journaux lanceurs d’Alerte.

Vous pouvez, comme moi, faire un don pour que ce journal puisse continuer à vivre et à agir contre l’indifférence et chaque fois que les institutions et les autres médias sont aveugles, sourds, fainéants ou peut être pire, complice…


<1067>

Mercredi 9 mai 2018

« La musique est dans tout. Un hymne sort du monde »
Victor Hugo, « Les contemplations »

Mon ami Gérald est en Vendée et il est allé dans une crêperie.

Je n’ai pas l’habitude d’écrire des faits surtout depuis le mot du jour du 9 octobre 2017 :

«L’homme médiocre parle des personnes,
L’homme moyen parle des faits,
L’homme de culture parle des idées »
Citation attribuée quelquefois à Jules Romain d’autre fois à Eleanor Roosevelt

Mais dans le cas particulier du mot d’aujourd’hui, il me faut une introduction.

Donc Gérald est dans une crêperie et prend une photo qu’il m’envoie.

Cette photo reproduit la phrase suivante « La musique c’est du bruit qui pense » Victor Hugo

Et il pose la question : « As-tu déjà fait un mot du jour sur cette réflexion affichée dans une crêperie de Noirmoutier ? ». La réponse est négative, mais je trouvais l’idée intéressante après « Mass » de Bernstein :  pourquoi ne pas écrire un mot du jour sur la musique issue du grand Victor Hugo ?

Bien sûr, il faut vérifier.

Sur Internet on trouve beaucoup de sites qui publient cette citation mais jamais en donnant une source sérieuse et vérifiable.

<Même le site du Figaro> cite cette phrase en donnant pour source « / Fragments »

Sur d’autres il y a mention « Les contemplations. »

Il y a en France des personnes passionnées de poésie, jusqu’à créer des sites entièrement dévoués à cet art.

J’ai trouvé celui-ci : http://www.poesie-francaise.fr/

Et ce site permet même de faire une recherche de poèmes à partir d’un mot. Alors j’ai cherché : « La musique »

Le moteur de recherche renvoie 67 poésies dont 9 de Victor Hugo.

1 “Sagesse ” – Recueil : Les rayons et les ombres (1840).

2 “Que la musique date du seizième siècle ” – Recueil : Les rayons et les ombres (1840).

3 “Littérature ” – Recueil : Les quatre vents de l’esprit (1881).

4 “Psyché ” – Recueil : Les chansons des rues et des bois (1865).

5 “À un riche ” – Recueil : Les voix intérieures (1837).

6 “Georges et Jeanne ” – Recueil : L’art d’être grand-père (1877).

7 “Écrit sur la plinthe d’un bas-relief antique ” – Recueil : Les contemplations (1856).

8 “Melancholia “. – Recueil : Les contemplations (1856).

9 “Bièvre “- Recueil : Les feuilles d’automne (1831).

J’ai vérifié, l’expression dite ne se trouvait dans aucun de ces poèmes.

J’ai continué mes recherches pour finalement trouver un blog qui avait déjà fait des recherches sur cette citation. Et l’auteur écrit :

« “La musique, c’est du bruit qui pense”. Cette célèbre formule, très galvaudée, et sans doute un peu facile, est généreusement attribuée à Victor Hugo. On ne prête qu’aux riches !

La plupart de ceux qui reprennent (en chœur !) cette formule se contentent de nommer l’auteur, dont la réputation suffit à apporter la garantie d’une profondeur géniale. Aucune source n’est généralement précisée. Un ou deux sites prétendent qu’il s’agit d’une citation extraite des Contemplations, ce qui est faux.

D’autres avancent que l’aphorisme est tiré des fragments réunis dans Tas de pierres, un ouvrage posthume. C’est un ouvrage curieux que ce Tas de pierres, consultable sur le site Gallica : ce sont de simples notes manuscrites jetées sur des bouts de papier. Personnellement, je n’y ai pas retrouvé notre citation. La belle formule reste introuvable. Selon Sébastien Mounié (L’école aujourd’hui – élémentaire de janvier 2012), on peut s’interroger sur l’existence même de cette phrase sous la plume de Victor Hugo, en l’absence de toute référence vérifiable. Il pourrait s’agir d’une formule inventée, ou seulement transmise oralement. La citation pseudo hugolienne rendrait “clairement hommage à la musique symphonique de l’époque, à la force évocatrice des idées et des émotions se dégageant d’une mélodie.” Pourquoi pas… »

Mais il me fallait un mot du jour pour le lendemain du 8 mai et il n’était pas question de mettre une citation non labellisée. Je suis donc revenu vers les poèmes trouvés et j’ai préféré le 7 qui est extrait des contemplations :

Titre : Écrit sur la plinthe d’un bas-relief antique

Poète : Victor Hugo (1802-1885)

Recueil : Les contemplations (1856).

À MADEMOISELLE LOUISE B.

La musique est dans tout. Un hymne sort du monde.

Rumeur de la galère aux flancs lavés par l’onde,

Bruits des villes, pitié de la sœur pour la sœur,

Passion des amants jeunes et beaux, douceur,

Des vieux époux usés ensemble par la vie,

Fanfare de la plaine émaillée et ravie,

Mots échangés le soir sur les seuils fraternels,

Sombre tressaillements des chênes éternels,

Vous êtes l’harmonie et la musique même !

Vous êtes les soupirs qui font le chant suprême !

Pour notre âme, les jours, la vie et les saisons,

Les songes de nos cœurs, les plis des horizons,

L’aube et ses pleurs, le soir et ses grands incendies,

Flottent dans un réseau de vagues mélodies ;

Une voix dans les champs nous parle, une autre voix

Dit à l’homme autre chose et chante dans les bois.

Par moment, un troupeau bêle, une cloche tinte.

Quand par l’ombre, la nuit, la colline est atteinte,

De toutes parts on voit danser et resplendir,

Dans le ciel étoilé du zénith au nadir,

Dans la voix des oiseaux, dans le cri des cigales,

Le groupe éblouissant des notes inégales.

Toujours avec notre âme un doux bruit s’accoupla ;

La nature nous dit : « Chante ! » et c’est pour cela

Qu’un statuaire ancien sculpta sur cette pierre

Un pâtre sur sa flûte abaissant sa paupière.
Juin 1833.

Oui la musique est dans tout, mais il faut savoir ouvrir ses oreilles et encore plus son cœur pour l’entendre.

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Lundi 7 mai 2018

« Mass »
Léonard Bernstein (1918-1990)

Léonard Bernstein est né le 25 août 1918. C’est encore un peu tôt pour fêter son centième anniversaire, mais les circonstances font que je voudrais aujourd’hui vous parler d’une œuvre qui à mon avis est absolument géniale : « Mass ».

Et j’ai découvert qu’ARTE a retransmis le remarquable concert qui avait eu lieu à la Philharmonie de Paris le 22 mars 2018 et qu’il est possible de voir et d’écouter ce spectacle en replay pendant quelques mois.

Donc pour tous celles et ceux qui sont pressés et aiment aller à l’essentiel :

Voici le lien vers le site de la Philharmonie : <Live.philharmoniedeparis.fr – Bernstein : MASS>

La Philharmonie ne permet plus de voir qu’un extrait. Si vous voulez voir l’intégralité il se trouve après une page de publicité derrière ce lien <Bernstein : MASS à la Philharmonie de Paris>.

Le programme de la Philharmonie introduit cette œuvre de la manière suivante :

« Mass de Bernstein est une des partitions les plus foisonnantes de l’histoire de la musique, passant dans l’instant de l’expérimentation ludique à une comédie musicale, d’une fanfare à un gospel. Cette grande messe est un objet musical peu identifié qui mêle jazz, rock, classique aux sons de batteries, de guitares électriques, de synthétiseurs, portée par une liberté de ton donnant l’impression d’un happening sans limites.  »

ARTE la présente ainsi : «

« Œuvre aussi grandiose qu’iconoclaste, […] cette messe pas comme les autres se situe à la frontière de l’oratorio et de la comédie musicale. »

ARTE annonce que la vidéo sera disponible jusqu’au 21/03/2020, ce qui m’étonne mais donne à chacun le temps de visionner cette « OVNI ». (Œuvre Vocale Non Identifié)

Si vous souhaitez en savoir un peu plus et me donner le temps de tenter d’expliquer pourquoi, cette œuvre assez méconnue jusqu’ici, est exceptionnelle, je vous invite à lire la suite de ce mot du jour.

J’ai découvert cette œuvre il y a environ quinze ans par l’enregistrement qu’en a fait le compositeur lui-même à la suite de sa création en 1971.

Il faut d’abord parler de Léonard Bernstein.

Il est né dans le Massachusetts, de parents juifs ukrainiens. <TELERAMA> nous apprend que son père voulait en faire un rabbin. Mais la musique le saisit d’abord comme interprète puis comme compositeur.

Il devint, bien sûr, mondialement célèbre en composant la musique de la comédie musicale « West Side Story »

C’était un homme charismatique, plein de fougue et d’excès, j’y reviendrai dans un mot du jour ultérieur, plus proche de sa date anniversaire.

Mais c’était un musicien extraordinaire. La grande cantatrice allemande Christa Ludwig qui a beaucoup travaillé avec le musicien dit en toute simplicité :

«Leonard Bernstein ne faisait pas de la musique, il était la musique!»
(Propos rapportés par le Figaro du 18 mars 2018)

Lors de sa disparition subite, le 14 octobre 1990, des suites d’une crise cardiaque, le New York Times titrait : « Music’s Monarch, Dies » (Le seigneur de la musique est mort).

Il était surtout très éclectique et s’intéressait à toutes les musiques, le jazz, le rock.

Et <France Musique> nous apprend que dans une émission diffusée en 1967 sur CBS, Inside Pop – The Rock Revolution, Léonard Bernstein a osé cette comparaison :

« Les Beatles sont les Schubert de notre temps »

Je ne partage pas cette vision …

D’ailleurs je pense que les mélomanes spécialisés dans la musique classique auront plus de mal à entrer en résonance avec « Mass » que ceux qui se sentent plus proches du jazz et du rock. Il n’est pas rare que des musiciens de rock aient introduit dans leurs spectacles des morceaux de musique classique, le contraire est quasi inexistant. Léonard Bernstein l’a fait pour la première fois, à ma connaissance

Mais si les habitués de la musique classique auront du mal, il est aussi possible que les croyants catholiques aient du mal : car Mass n’est pas une messe, mais un « oratorio scénique » pour chanteurs, musiciens et danseurs qui se base sur le texte liturgique catholique mais pour en faire une chose très différente : une interrogation sur la spiritualité, une interpellation très vive de Dieu.

<Le site Qobuz> explique :

« Difficile de classer Mass de Bernstein, créée en 1971. Il ne s’agit pas vraiment d’une messe à proprement parler, […] et l’argument pourrait être celui d’une sorte de service divin qui tournerait au vinaigre avant de retrouver, finalement, la paix universelle. Au début, tout le monde semble d’accord, puis les « musiciens de rue » commencent à questionner la nécessité, voire même l’existence, d’un dieu. La cacophonie qui s’installe jusqu’à l’Élévation catastrophique est finalement apaisée après que le serviteur de la messe rassemble tous les esprits autour de la divinité et un dernier « allez en paix ». Bernstein a rassemblé dans sa partition tous les éléments possibles et imaginables de la musique du XXe siècle : jazz band, blues, ensemble de rock, Broadway, expressionnisme, dodécaphonisme, modernisme qui n’est pas sans rappeler Britten, musique de rue, fanfare, voix classiques mêlées aux voix de rock et de jazz et aux récitations du Gospel : une véritable Tour de Babel qu’il n’est pas nécessairement facile de rassembler autour d’un même souffle. »

Mais revenant au commencement. Léonard Bernstein, de nombreux signes le montrent est profondément ancré dans la tradition juive et hébraïque. Par exemple dans ses œuvres plus académiques : ses symphonies, la première est consacrée au grand prophète juif « Jérémie » et la troisième porte pour titre « Kaddish », la prière juive par excellence.

Donc cela peut sembler une incongruité que Jacqueline Kennedy demande à Léonard Bernstein de consacrer une œuvre « religieuse » en l’honneur du président assassiné, premier président et il me semble toujours seul président des États-Unis catholique. Car il faut quand même rappeler qu’au centre de cette liturgie catholique, plus précisément dans le « Credo » se trouve cet acte de Foi « Je crois en l’Église, une, sainte, catholique et apostolique.  » prompte à éloigner tous ceux qui ne partagent pas cette croyance

Et c’est ainsi que « Mass » est né et a été interprété pour la première fois au John F. Kennedy Center for the Performing Arts, le 8 septembre 1971

Il faut noter que Léonard Bernstein fut très ami avec la famille Kennedy.

Bernstein s’entoura d’un groupe de collaborateurs dont certains illustres pour créer cette pièce de théâtre pour chanteurs, comédiens et danseurs comme par exemple Alvin Ailey, Gordon Davidson, Roger LM. Stevens. Les textes complémentaires au texte liturgique furent écrits par Léonard Bernstein lui-même mais aussi en partie par Stephen Lawrence Schwartz.

MASS commence par un Kyrie sur le texte traditionnel dans une musique très moderne et assez chaotique mais très vite remplacé par un chant de l’officiant qui joue un rôle central dans cette pièce.

Le livret qui accompagne l’enregistrement de Bernstein écrit :

« Il existe pour accéder à cette œuvre une clé qui réside dans les toutes premières paroles chantées par le célébrant : « Chantez au Seigneur un chant simple ».

Vous pouvez entendre dans la version de Bernstein ce « Simple song »

« Mass était probablement « un chant simple » pour Léonard Bernstein, cet homme au génie créateur le plus complexe que l’Amérique ait jamais produit. Il voulait s’exprimer sur la nécessité pour chacun de nous de posséder et de cultiver une vie spirituelle au sein de notre vie de tous les jours. »

<Le site de la Cité de la Musique donne aussi des clés> :

« 1971 : les États-Unis sont en pleine guerre du Vietnam et Leonard Bernstein compose sa messe. Pour l’anecdote, le chef du FBI aux États-Unis, J. Edgar Hoover, envoya un message au procureur général du président Richard Nixon pour l’informer que cette œuvre, programmée pour l’ouverture du nouveau centre d’arts et concerts de Washington – le Centre Kennedy – pouvait contenir un texte subversif. Faisait-on allusion au texte « Dona Nobis Pacem » ? Toujours est-il que Richard Nixon n’est pas venu à la première.

Mass est une œuvre complètement liée à son époque. […] On sent, d’un côté, le désespoir de ceux dont les repères moraux et religieux ont été bousculés, mais aussi l’optimisme de ceux qui cherchent un nouveau chemin spirituel. […]

Les véritables intentions de Bernstein étaient d’une part d’ouvrir la messe catholique à un œcuménisme spirituel et musical, d’autre part de protester contre l’indifférence de Dieu face aux horreurs de la guerre en cours au Viêtnam.

La crise de foi du jeune célébrant qui, après le « Dona nobis pacem », jette violemment par terre les sacrements et, vêtements liturgiques et linge de l’autel arrachés, saute sur l’autel et commence à danser, exprime l’inquiétude et la rage de la génération soixante-huitarde. Dans le contexte socio-politique de l’époque, il était évident que la contestation du jeune célébrant ne concernait pas seulement Dieu et le formalisme liturgique, mais aussi les responsables de la guerre du Viêtnam, le président Nixon en tête qui, à l’occasion de la création de Mass, laissa volontiers sa place à la veuve du président assassiné, Jacqueline, désormais épouse d’Onassis. »

Le Monde est très élogieux sur l’interprétation qui a été produite à la philharmonie de Paris : « « Mass », de Bernstein, une œuvre pop, classique et hippie »

Les deux acteurs principaux de cette réussite sont « Jubilant Sykes » qui incarne le « célébrant et le chef d’orchestre anglais « Wayne Marshall ».

Le replay d’ARTE n’est plus actif, mais vous pouvez trouver des extraits : <ICI> ou <ICI>

Et si vous avez besoin d’un aperçu plus court (2mn) écoutez cet extrait du Gloria dans une autre interprétation au Prom’s de Londres : « Mass – Gloria – BBC Proms 2012 ».

Je pense cependant que toutes ces versions, très bonnes du point de vue musicales, restent un peu statiques par rapport à la version initiale dont la chorégraphie était l’œuvre  d’Alvin Ailey. J’ai trouvé des extraits d’un spectacle sur un  site entièrement consacré à léonard Bernstein, je pense que l’organisation scénique est plus proche de ce qu’avait imaginé Bernstein et Ailey : <Trailer de Mass>

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Vendredi 4 mai 2018

« Et, j’ai décidé que j’allais consacrer ma vie à aimer mon prochain par contraste avec ce que je voyais !»
Danielle Mérian

Le monde de l’information est en plein bouleversement. Il doit se réinventer, trouver de nouveaux formats et arriver à trouver un public.

BRUT est un de ces médias.

C’est un média en ligne français fondé en novembre 2016 et exclusivement diffusé sur les réseaux sociaux.
Au départ le choix était de s’intégrer à Facebook, mais désormais on le trouve aussi sur Youtube, sur Dailymotion, Instagram etc..
Le format est toujours vidéo et les reportages sont très courts.

Wikipedia nous apprend que BRUT a été fondé par :

« Renaud Le Van Kim, Guillaume Lacroix et Laurent Lucas. Guillaume Lacroix est le fondateur de Studio Bagel et Renaud Le Van Kim l’ancien producteur du Grand Journal de Canal+ d’où vient également le directeur des rédactions de Brut Laurent Lucas. Une quarantaine de personnes travaillent pour Brut et produisent deux heures de direct diffusées sur Facebook Live et des courtes vidéos d’analyse et d’entretiens. […] Selon Lacroix, les fondateurs voulaient « créer un média qui soit un point d’entrée sur l’actualité pour toute une génération qui s’éloigne des acteurs traditionnels ». Selon lui, 80 % de ceux qui les suivent sur Facebook ont moins de 35 ans.

Entre le lancement en novembre 2016 et février 2017, les vidéos de Brut ont été visionnées plus de 100 millions de fois dont 29 millions pour le seul mois de février. À cette date, Brut ne gagne pas encore d’argent. »

Souvent ces courtes vidéos me paraissent intéressantes.

Et je voudrais aujourd’hui en partager une avec vous.

Peut-être vous souvenez vous de Danielle Mérian, vieille dame très digne qui avait été interviewée, par hasard, par une chaine de télévision le lendemain du massacre du bataclan du 13 novembre 2015 alors qu’elle venait déposer un bouquet de fleurs devant la salle de spectacles ?

Elle avait alors dit :

« C’est très important d’apporter des fleurs à nos morts.

C’est très important de voir [lire] plusieurs fois « Paris est une fête » d’Hemingway. Parce que nous sommes une civilisation très ancienne et nous porterons au plus haut nos valeurs.

Et nous fraterniserons avec 5 millions de musulmans qui exercent leur religion librement et gentiment. Et nous nous battrons contre les 10 000 barbares qui tuent soi-disant au nom d’Allah. »

Après la diffusion de ce petit entretien, la vente de « Paris est une fête » a explosé.

Aidé par Tania de Montaigne, elle a, suite à ce bref moment où un micro s’est approché d’elle et où elle a trouvé les mots qui devaient être dits en cet instant, écrit un livre racontant sa vie : « Nous n’avons pas fini de nous aimer ».

Car ces mots ne sont pas venus par hasard. Ils étaient à la conclusion d’une vie, d’expériences, de réflexions et de combats.

BRUT reprend cet extrait devant le bataclan, mais ajoute que Danielle Mérian a encore des choses à dire :

« J’ai été très contente de voir se lever « Me Too », « Balance ton porc ».
Ce n’est pas élégant « balance ton porc », n’est-ce pas ?
Mais le viol est ce élégant ? Et la main à la cuisse est ce que c’est élégant ? Et les propos salaces est ce que c’est élégant ?

Je suis une féministe depuis l’enfance, pourquoi ?
Parce que je suis née en 1938, à une époque où on préférait les garçons aux filles.
Donc mes parents quoique forts intelligents, préféraient mon frère aîné à moi-même.
Je me disais : nous sommes dans un monde de fou, il va falloir changer tout ça.
Donc si vous voulez, j’étais déjà une révoltée de naissance, du fait qu’il n’y avait pas égalité entre mon frère et moi, ce que je trouvais aberrant.

Et il se trouve que mon père […] qui était journaliste comme mon grand-père a terminé la guerre comme correspondant de guerre dans l’armée canadienne et a ouvert les camps de concentration. Il avait une grande enveloppe dans les mains et il dit à ma mère : « Il ne faut pas que les enfants voient ça »

Donc dès qu’il a eu le dos tourné, j’ai fouillé son bureau. Je suis tombé sur les photos de l’abomination et j’en suis émue encore quand j’y pense…

Et, j’ai décidé que j’allais consacrer ma vie à aimer mon prochain par contraste avec ce que je voyais que l’homme est un loup pour l’homme »

Aujourd’hui son grand combat est celui de la lutte contre l’excision.

C’est encore Wikipedia qui nous apprend que Danielle Mérian est née Danièle Savarit, en 1938 et qu’elle est avocate honoraire au barreau de Paris. Elle se revendique comme militante chrétienne et féministe. Elle étudie le droit durant la guerre d’Algérie et se fiance à cette période. À partir de 1975, elle milite avec son mari au sein de l’ACAT, l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture, notamment en soutien aux Grands-mères de la place de Mai ou pour l’abolition des exécutions capitales, ainsi que pour la libération ou l’amélioration des conditions de détention des prisonniers politiques.

Après la mort de son mari en 1995 , elle continue à militer ; ses principaux terrains d’engagement sont outre l’ACAT, avec PRSF (PRisonniers Sans Frontières) l’amélioration des conditions de détention en Afrique de l’Ouest, avec PARCOURS D’EXIL le soin aux torturés, avec SOS Africaines en Danger la lutte contre l’excision et le mariage forcé.

Encore une belle âme qui donne confiance en l’humanité.

Pour retrouver cette vidéo, je donne à dessein le lien vers le site français dailymotion plutôt que vers la créature de Google : Youtube.

<Danielle Mérian sur Dailymotion>

<1064>

Jeudi 3 mai 2018

«Ne pas devenir les spécialistes de l’éthique tandis que les Chinois et les Américains deviennent des spécialistes du business.»
Antoine Petit, président du CNRS à propos du rapport Villani

Cédric Villani a donc produit un rapport sur l’intelligence artificielle (IA) : « Donner du sens à l’intelligence artificielle »

Je ne l’ai pas lu, j’ai entendu et vu plusieurs interventions de Cédric Villani qui parlait de son rapport et de sa réflexion sur le sujet.

Un spécialiste de l’intelligence artificielle Olivier Ezratty a écrit un article critique très complet sur ce sujet et que vous trouverez derrière ce lien : <Ce que révèle le Rapport Villani>

Mais le mot du jour d’aujourd’hui va insister sur un autre article concernant ce sujet et plus précisément le lien que fait ce rapport entre l’intelligence artificielle et l’éthique.

Cet article m’a été suggéré par Daniel qui me fait le plaisir de commenter très souvent les mots du jour.

Cet article se trouve sur le site dédié à l’innovation : https://www.frenchweb.fr et a été écrit par Philippe Silberzahn, professeur à EMLYON Business School et chercheur associé à l’École Polytechnique.

Il a pour titre : « IA et éthique: le contresens navrant de Cédric Villani »

Et voilà ce qu’il dit en substance :

Il attaque assez fort dès le départ :

«  Avec le rapport Villani sur l’intelligence artificielle, la France a renoué avec une vieille tradition: demander à quelqu’un d’intelligent d’écrire un rapport idiot. Enfin idiot, on se comprendra: le rapport que notre Médaille Fields vient de rédiger n’est pas tant idiot que convenu. »

S’appuyant sur des exemples historiques récents et moins récents, bien connus de nous tous, Philippe Silberzahn conteste fondamentalement la possibilité de donner, a priori, un jugement éthique sur une innovation :

« Le titre-même du rapport « Donner un sens à l’IA » est problématique. Quand on regarde l’histoire de l’innovation, le sens a toujours été donné a posteriori. Et ce pour une raison très simple: les ruptures technologiques présentent toujours des situations inédites sur le plan légal, social et éthique. Il est très difficile, voire impossible, de penser ces ruptures avant qu’elles ne se produisent, et avant que les effets ne soient visibles. On risque de penser dans le vide. Lorsque McKinsey conduit une étude de marché pour AT&T en 1989 pour évaluer le potentiel de la téléphonie mobile, les résultats sont désastreux: personne ne voit l’intérêt d’avoir un téléphone mobile. Personne ne peut simplement imaginer ce qu’on ferait avec. Seule l’utilisation effective a révélé les possibilités de la technologie, de même qu’aujourd’hui seule l’utilisation de Facebook en révèle les dangers pour la vie privée.

Plus généralement, les applications d’une nouvelle technologie sont impossibles à anticiper. Lorsque les ingénieurs français et autrichien découvrent les ultra-sons en 1911, ils s’en servent pour détecter les sous-marins. Quarante ans après, cette technologie est utilisée en médecine, c’est l’échographie. Cette utilisation est totalement imprévue et d’ailleurs, il était initialement question que ce soit pour la détection des cancers. Aujourd’hui, l’échographie est devenue banale et peu chère, à tel point qu’elle est utilisée dans les pays pauvres, en particulier en Chine et en Inde. Utilisée pour l’avortement sélectif, elle est directement responsable du fait notamment qu’environ 25 millions de femmes ne sont pas nées en Chine, causant un déséquilibre des sexes qui entraîne de lourds problèmes sociaux et donc politiques. Qui aurait pu penser qu’une technologie mise au point en Europe pour la lutte anti sous-marine soit la cause, un siècle plus tard, d’un bouleversement social en Asie? Penser les conséquences de l’échographie a priori aurait été totalement vain. »

Il nous pousse ensuite dans nos contradictions et pose la question subtile du constat éthique de l’automobile :

« Mais il y a pire. Toute technologie est duale, au sens où elle peut servir à faire le bien comme le mal. Imaginez que vous soyez ministre de l’environnement dans un pays éthique qui a mis le principe de précaution dans sa constitution (exemple fictif bien-sûr). Un groupe d’industriels vient vous voir pour obtenir l’autorisation préalable nécessaire à la commercialisation de leur nouvelle technologie. Elle apportera de toute évidence des bienfaits immenses, facilitant la vie de nombreux habitants. Son seul défaut: elle tuera environ un million de personnes par an dans le monde.

Que faites-vous?

Vous l’interdirez probablement et mettrez un comité d’éthique sur le dossier.

Cette technologie? C’est l’automobile. »

Michel Serres cite souvent <la fable de la langue> écrit par Esope, le fabuliste grec, au VIème siècle avant notre ère.:

« Le maître d’Ésope lui demande d’aller acheter, pour un banquet, la meilleure des nourritures et rien d’autre. Ésope ne ramène que des langues ! Entrée, plat, dessert, que des langues ! Les invités au début se régalent puis sont vite dégoûtés.

– Pourquoi n’as-tu acheté que ça ?

– Mais la langue est la meilleure des choses. C’est le lien de la vie civile, la clef des sciences, avec elle on instruit, on persuade, on règne dans les assemblées…

– Eh bien achète-moi pour demain la pire des choses, je veux de la variété et les mêmes invités seront là.

– Ésope achète encore des langues, disant que c’est la pire des choses, la mère de tous les débats, la nourrice des procès, la source des guerres, de la calomnie et du mensonge. »

La conclusion de Philippe Silberzahn qui cite le patron du CNRS, citation dont j’ai fait l’exergue de ce mot du jour, constitue un questionnement fort et complexe :

« En plaçant l’IA au service de l’éthique, le rapport commet donc deux erreurs: d’une part il ne se donne aucune chance de penser l’éthique de l’IA correctement, car nous penserons dans le vide – nous ne pourrons penser qu’en faisant, et d’autre part il condamne la France à regarder les autres danser depuis le balcon. Antoine Petit, le patron du CNRS lors de la conférence AI For Humanity où était présenté le rapport Villani, nous invitait ainsi à éviter un écueil: « Ne pas devenir les spécialistes de l’éthique tandis que les Chinois et les Américains deviennent des spécialistes du business. »

C’est tout l’enjeu et à vouloir mettre l’IA d’entrée de jeu au service de la diversité, de l’égalité homme-femme, du bien commun et des services publics, c’est sacrifier aux modes du moment en se trompant de combat.

On demandait à Cédric Villani de nous dire comment la France pouvait rattraper son retard en IA, c’est à dire de poser un raisonnement industriel, pas de signaler sa vertu à l’intelligentsia post-moderniste qui gouverne la pensée de ce pays.

Sans compter que comme souvent dans ces cas-là, le sens que l’on donne à éthique est bien restreint. Il peut être éthique de ne pas vouloir développer une IA aux conséquences négatives, mais il peut être également éthique d’essayer pour voir, car ce n’est qu’en agissant que nous saurons. Les entrepreneurs savent cela depuis longtemps, nos savants intelligents et ceux qui nous gouvernement l’ignorent, et se condamnent peu à peu à la paralysie par excès de prudence et, au fond, par peur du futur.

Nous devenons un vieux pays, et laissons progressivement les autres développer l’avenir.

Au fond, le rapport Villani est un rapport de vieux, la hype de notre ami Cédric en plus. »

Les craintes exprimées ne peuvent que nous interpeller.

Cela étant, au fur à mesure de l’utilisation de l’IA nous devrons rester vigilants.

En serons-nous capable entraînés par le vertige de la modernité ?

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Mercredi 2 mai 2018

« Grandeur et servitude du système de retraite par répartition »
Réflexion sur notre système de retraite

Quand il m’arrive de discuter avec nos aînés ou de les entendre parler, je me pose parfois la question mais ont-il bien compris comment fonctionne notre système de retraite par répartition ?

Dire par exemple : « J’ai cotisé pendant toute ma vie pour ma retraite et j’ai maintenant le droit de toucher mon dû » n’est pas tout à fait exact même si on peut comprendre que c’est un sentiment légitime de prétendre que lorsqu’on a cotisé toute sa vie de travail, on a droit aussi de s’arrêter de travailler et de percevoir une pension de retraite.

Mais dire «  j’ai cotisé pour ma retraite » est faux, dans notre système. Il faut bien s’en rendre compte.

On peut dire : « j’ai participé au système de retraite en tant que cotisant » et ajouter : « En tant que participant au système, j’ai le droit d’en bénéficier et d’obtenir une pension pour ma retraite. »

Dans le système de répartition dans lequel nous sommes, les gens qui travaillent cotisent pour payer les retraites de leurs aînés qui ne travaillent plus.

Un ministre allemand a dit un jour à un homologue asiatique : « Et en Europe nous sommes tellement riches que nous pouvons même payer des gens à ne pas travailler ».

C’est fondamentalement un système de solidarité. Un système qui ne peut être mis en place que dans une société que le grand sociologue Emile Durkheim a décrit ainsi :

« Pour que les hommes se reconnaissent et se garantissent mutuellement des droits, ils faut qu’ils s’aiment et que pour une raison quelconque ils tiennent les uns aux autres et à une même société dont ils fassent partie. »

J’ai évoqué cette solidarité lors de deux mots du jour : celui du < Vendredi 12 septembre 2014> et aussi celui plus récent que j’ai intitulé « Réflexions sur l’Etat social »

Avant de continuer, je voudrais affirmer ma communauté d’intérêts avec les retraités, car vu mon âge j’espère pouvoir entrer dans peu d’années dans cette nouvelle partie de la vie.

Mais parler en terme de « droit », me semble délicat et même inapproprié car ce terme ne révèle pas totalement la situation de solidarité et de confiance qui fonde ce système.

Soyons clair : Celles et ceux pour qui les retraités d’aujourd’hui ont cotisé lorsqu’ils travaillaient sont pour une grande part d’entre eux morts. La confiance dont je parle ne les concerne pas. La confiance concerne les jeunes et les « actifs » d’aujourd’hui qui cotisent pour que les ainés puissent ne pas travailler. Et la confiance signifie d’abord que ceux qui cotisent peuvent croire qu’eux-mêmes bénéficieront un jour de ce système et ensuite que la cotisation qu’il verse est acceptable par rapport à leurs revenus. »

Poser les faits de cette manière nous amène à ce constat inquiétant que révèle le schéma suivant :


Ceci signifie qu’en 1960 : 4 actifs cotisaient, en moyenne, chacun 25 euros pour qu’un retraité puisse toucher 100 euros. Selon cette projection en 2050, un actif devra cotiser 83,33 € pour arriver au même résultat que le retraité puisse toucher 100 euros.

Grandeur de la solidarité.

Mais servitude aussi.

Le système social a été mis en place par la rencontre de deux pensées :

  • La pensée sociale : il fallait permettre aux ainés de vivre dignement et de manière apaisée la dernière période de leur vie !
  • La pensée économique : les aînés sont moins productifs et consomment donc moins, ce n’est pas bon pour le PIB. Leur donner une pension leur permet de continuer à consommer et donc de contribuer à la prospérité générale du système économique.

Dans ce système quand j’entends des retraités dirent je vais aller vivre au Portugal, je vivrai mieux, la vie est moins chère, je suis encore une fois inquiet du manque de compréhension ou d’appréhension de ceux qui agissent ainsi. Si je cite le Portugal, ce n’est pas un hasard mais une réalité : «Le Portugal séduit de plus en plus de retraités français».

Ce sont des motivations égoïstes et individualistes qui ne sont pas très compatibles avec le système de solidarité.

Evidemment s’il n’y a que quelques individus qui font ce choix, l’équilibre du système ne sera pas affecté même si l’esprit en est un peu dévoyé.

Mais si ce comportement devient massif, les actifs français vont cotiser pour des retraités qui vont abonder l’économie portugaise et non l’économie des actifs.

Ceci ne poserait pas de difficultés si de manière réciproque un nombre équivalent de retraités portugais venaient dépenser leurs retraites en France. Mais vous savez bien que ce n’est pas le cas, si des portugais poursuivent la même ambition ils vont aller vivre dans un autre pays ayant un niveau de vie inférieure que celui du Portugal.

Quand on sort de la solidarité et qu’on devient pleinement individualiste le système par répartition n’est plus approprié il faut opter pour le système de fonds de pension. Dans ce cas vous ne cotisez plus pour vos ainés, mais vous investissez pour vous-même en confiant une partie de votre argent d’actif à une institution financière.

Mais alors, vous ne pourrez plus vous plaindre que seuls les raisonnements financiers à court terme sont à l’œuvre dans l’économie. En effet, les fonds de pension du monde entier investissent et demandent aux entreprises dans lesquels ils investissent un rendement suffisant pour pouvoir payer les pensions des retraités qui leur ont fait confiance. Il faut connaître les priorités : les salariés de l’entreprise ou les retraités clients de l’actionnaire ?

En outre, ce système peut poser de grands problèmes aux retraités en cas de crise financière, car dans ce cas les fonds de pension ne peuvent plus payer les retraites au même niveau et ils peuvent même faire faillite.

Une grande part de ces problèmes provient d’une merveilleuse nouvelle : nous vivons de plus en plus vieux.

Une autre part vient du fait que la génération des baby-boomers pour des raisons de confort et d’évolution sociétale ont fait moins d’enfants que leurs ainés.

Et c’est ainsi que les baby-boomers de l’après-guerre réussissent cet exploit à la fois d’avoir été nombreux en tant qu’actifs par rapport aux retraités d’alors et maintenant d’être aussi nombreux en tant que retraités par rapport aux actifs.

La France a en outre ce privilège d’avoir plus d’une quarantaine de systèmes différents qui fragilisent encore le système d’ensemble.

Pendant de longues années les gouvernements n’ont fait que du paramétrage jouant sur les 3 leviers dont ils disposaient :

  • Les montants des cotisations ;
  • Le niveau des retraites ;
  • L’âge de départ à la retraite.

Emmanuel Macron entend aller plus loin et refonder le système. Il a dit qu’il souhaite conserver le système par répartition en le rendant universel et probablement par points.

Voici comment un blog de mediapart présente ce système avec sa variante « à compte notionnel »

« La retraite à points, qui se base sur la répartition, où la solidarité nationale joue pleinement son rôle, offre aussi une grande transparence. Chaque Français possède un compte alimenté par ses cotisations, la valeur des points acquis étant revalorisée chaque année. Cela permet à chaque assuré de connaître le montant de sa pension s’il devait partir à la retraite.

Il existe une variante du système à points, dit “à compte notionnel”. Dans ce type de régime, en vigueur en Suède par exemple, chaque personne se trouve à la tête d’un “capital”, alimenté par les cotisations qu’elle verse pour sa retraite. Lorsqu’elle fait liquider ses droits, un coefficient de conversion est appliqué à ce capital pour déterminer le montant de sa pension. On est donc proche d’un régime par points. Mais l’idée novatrice du système de “comptes notionnels”, c’est que ce coefficient peut être établi en fonction de l’âge mais aussi de l’espérance de vie de la génération concernée.

Rappelons qu’un système par points attribue des droits à pension mais ne fixe pas le niveau des pensions, qui dépend de la valeur des points, laquelle n’est pas donnée a priori. Un tel système joue sur la distribution des pensions au sein d’une même génération mais ne résout pas vraiment la question du financement des retraites, en tout cas il reste un déficit initial à amortir (qui va le payer ?) et au lieu de déficits futurs, le système visant un équilibrage oblige à un ajustement (baisse de pensions ou allongement de cotisations ou hausse de cotisation) mais au choix du cotisant. […]

La Suède, qui avait un système proche du système français, est le premier pays à avoir adopté un tel régime en 1999, dans une version “comptes notionnels” tenant compte de l’espérance de vie. Le système suédois est souvent montré en exemple. Il serait transposable en France à condition d’unifier l’ensemble des régimes de retraites (spéciaux, fonctionnaires etc.). »

Tout ceci sera forcément compliqué mais repose à peu près sur ce principe : les retraités touchent ce que les actifs sont capables et acceptent de cotiser.

L’exergue du mot du jour fait bien sûr référence à « Servitude et grandeur militaires » qui est un recueil de nouvelles d’Alfred de Vigny publié en 1835.

Et pour rester taquin, je vous donne un lien vers un site qui organise la fraude à la retraite, je veux dire l’expatriation des retraités au Portugal : <Maison au Portugal>. J’espère que vous saurez résister…

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