Mercredi 7 décembre 2016

« Retour sur les mots du jour 701 à 800 (2) »
Rétrospective

Je vous rassure, je ne ferais pas la liste de tous les mots du jour qui n’ont pas fait l’objet des 4 thématiques rappelées hier.

Mais il me semble qu’il y a eu 3 mots qui ont abordé des sujets de première importance dans notre monde économique et quotidien :

D’abord le concept de «quantophrénie» (763) inventé par le sociologue Pitirim Sorokin qui nous explique que le chiffre n’est jamais la vérité, au plus une simple indication. Et que la pratique qui consiste à remplacer l’argumentation et la réflexion par un chiffre constitue une perversion ou une maladie qui nous entraîne vers de mauvais rivages.

Puis me parait aussi très fécond pour notre compréhension du monde la réflexion que Nancy Fraser a développé lors de la 38ème conférence Marc Bloch « Les contradictions sociales du capitalisme contemporain » (769) où elle explique que pour que les échanges marchands puissent avoir lieu, il faut qu’en coulisse des personnes, le plus souvent des femmes s’occupent de ce qu’elle appelle « la reproduction sociale », c’est-à-dire l’éducation des enfants, les soins aux malades par exemple. Et elle montre que le capitalisme financier moderne s’attaque à l’équilibre qui avait été peu à peu obtenu pour s’abîmer dans des contradictions.

Enfin, le Brexit puis l’élection de Donald Trump ont conduit à l’émergence d’un mot que le dictionnaire d’Oxford a classé comme mot de l’année : « Post-truth » post-vérité (784). C’est la rédactrice en chef du Guardian, Katharine Viner qui a rendu populaire ce mot qui décrit un monde où la vérité n’est plus qu’une « opinion parmi d’autres ».

Cette période a encore était marquée par des attentats et la crainte du terrorisme, comme d’une cassure au sein de notre société.

J’ai consacré deux mots du jour à la première victime de l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice d’abord simplement pour rappeler ce fait que la première victime de ce tueur se réclamant de l’islamisme était une musulmane «La première victime du carnage de Nice, le 14 juillet 2016, était une musulmane.» (760) ensuite pour revenir à hauteur d’homme et d’empathie pour parler de cette mère, croyante et citoyenne française : Fatima Charrihi racontée par ses enfants. Elle aimait dire cette parole de sagesse : « Il faut connaître le goût du vinaigre pour apprécier celui du miel. » (771)

Ces actes de violence aveugle font découvrir des fous et des assassins mais révèle aussi des gens formidables comme Antoine Leiris, journaliste qui a perdu au Bataclan l’amour de sa vie et mère de ses enfants et qui a écrit ce texte admirable d’humanité : «Vous n’aurez pas ma haine» (739).

Il existe ces voix qui s’élèvent ou écrivent comme Abdennour Bidar : «Les tisserands : réparer ensemble le tissu déchiré du monde» (724) pour recréer des liens là où la violence et le fanatisme les ont déchirés.

Et puis il faut chercher du côté de l’historien Patrick Boucheron qu’avant d’être un problème militaire et de police, ces combats relèvent prioritairement de la bataille des idées et qu’il faut placer des mots, des mots justes sur ce qui se passe. Et Boucheron fait appel à Machiavel : «  Quand quelque chose arrive, quand ce quelque chose on n’en n’a pas idée, quand on ne l’a pas souhaité, ni espéré, ni craint, alors la première chose à faire, est [d’user] de l’exactitude des mots constater ce qui arrive sans se laisser intimider ni émerveiller par les mots anciens. » (738)

La politique n’a pas été absente notamment, dans le contexte de l’économie numérique, le conflit entre les multinationales et le pouvoir politique étatique : « Une course à mort est engagée entre la technologie et la politique. »  (703) avis de Peter Thiel un des fondateurs de Paypal cité par Marc Dugain et Christophe Labbé dans leur livre «L’Homme nu ».

Et puis des regards critiques sur la vie politique française où des grandes voix s’expriment et constatent avec regret ou irritation que l’on ne parle des vrais enjeux ou que nos gouvernants ou ceux qui y aspirent n’expliquent pas ce qui se passe et quelles sont les perspectives pour les générations futures :

«Je suis énervé, je suis irrité, parce que je trouve qu’il y a une absence de conscience dans ce pays de ce qui est en jeu (720) Alain Touraine, lors de l’émission de France Culture « Dimanche et après du 29/05/2016 ». Le grand sociologue n’était pas très bienveillant pour le gouvernement dont faisait partie sa fille.

«En haut on parle technique et en bas on ressent le changement du monde et on ressent l’absence de perspective à l’égard de ce changement.» (721) Marcel Gauchet dans les matins de France Culture du 30/05/2016

Et aussi cette réflexion récurrente, ce conflit qui se situe autant à l’intérieur de notre personnalité qu’à l’extérieur entre le consommateur que nous sommes et le citoyen que nous aspirons être : « Le libre-échange et le protectionnisme : le consommateur contre le citoyen » (789) Jean-Marc Daniel et François Ruffin lors d’un débat

Et encore cette réflexion sociologique à hauteur d’homme et de la vie au quotidien : « Personne au monde, ni en Algérie, ni au Sénégal, ni en Chine, ne souhaite devenir minoritaire dans son village. » (764) Christophe Guilluy, lors des matins de France Culture du 13 septembre

Ces 100 mots ont aussi abordé plusieurs fois les fraudes ou les manquements des laboratoires ou d’autres acteurs dans la santé : «Malscience, De la fraude dans les labos» (766) Nicolas Chevassus-au-Louis

«Projet 226»(767) Nom d’une manipulation de l’industrie sucrière aux Etats-Unis en 1965

Et à l’occasion de la sortie du film « la fille de Brest » : «Ce que j’ai ressenti, ce n’est pas l’empathie habituelle du médecin : c’est l’effroi face au crime » (795) Irène Frachon pour l’affaire du Mediator

Quelquefois ce fut des livres qui ont été inspirants : « Histoire du silence » (733) d’Alain Corbin ou «Avant cela, avant qu’il ne faille quitter cette vie pour nous fondre dans l’autre, nous sommes responsables de notre destinée. Je ne serai pas accusée de m’être dérobée.» (759) Leonora Miano, Crépuscule du tourment

Ou un film « La tortue rouge » (736) de Michael Dudok de Wit

Mardi 6 décembre 2016

« Retour sur les mots du jour 701 à 800 (1) »
Rétrospective


Voici donc une nouvelle série de 100 mots du jour, du 701ème qui concernait les accords Sykes – Picot qui ont durablement conditionné les relations entre les arabes et les pays occidentaux au 800ème qui caractérisait l’intelligence par son caractère imprévisible et novateur.


Mais cette série a surtout été marquée par deux séries thématiques :

La première, en mai, qui du mot N° 706 au N°718 avait pour objet unique un livre passionnant et érudit que plusieurs d’entre vous ont acheté ou emprunté, selon ce que vous m’avez dit ou écrit : « Sapiens » de Yuval Noah Harari.

Cet ouvrage qui a pour sujet l’histoire de notre espèce : « L’homo sapiens », comment sapiens s’est imposé par rapport aux autres espèces du genre « homo », puis s’est comporté avec les autres espèces du règne animal. Comment il a colonisé la terre, inventé l’agriculture, imaginé les religions, créé des villes puis les empires, développé le capitalisme, enfin, bouleversé la nature, la vie, la société par la révolution scientifique et industrielle.


La vision assez pessimiste de Harari nous conduit des premiers pas de sapiens qui colonise la terre à la vision des transhumanistes de la silicon valley, où cet homme étrange et inquiétant, Ray Kurzweil, un des hommes les plus influents de Google prédit la singularité technologique et rêve d’immortalité. J’ai pris pour premier exergue cette phrase prophétique d’Harari :« L’Histoire commença quand les humains inventèrent les dieux et se terminera quand les humains deviendront des dieux.»
Et pour clore cette série, j’ai fait appel à Kant : « «Sapere aude ! Ose savoir ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement !»

La seconde, en septembre, N° 750 à 754, consacrée à 5 conférences de Régis Debray sur la croyance, le sacré, la religion, Dieu, la Laïcité, réflexion d’une rare consistance.

Je relèverai deux propos tenus par le philosophe : « quand on dit à un croyant : c’est idiot ce que vous croyez, d’ailleurs ce que l’on croit n’est jamais vrai, c’est Valéry qui l’a dit, il vous répondra peut être : Je sais bien, mais quand même, j’ai un toit pour m’abriter et des frères et des sœurs pour me tenir chaud, j’ai un parti, j’ai une église, j’ai une confrérie […]. Votre vérité, elle est froide, elle ne me rapporte rien, alors que ma croyance m’augmente. Elle me rend fier d’être ce que je suis, parce qu’elle m’assure une appartenance. Elle m’insère dans un « nous » beaucoup plus grand et plus fort que moi, le « nous » de tous les croyants, à la même croyance que moi. »

Et cette phrase où, il donne ce conseil, plus exactement une injonction à tous les hérauts de la laïcité : « Il ne faut pas demander à la laïcité, ce qu’elle ne peut nous donner […] La laïcité est une construction juridique et une législation ne donne pas un sentiment d’appartenance, d’entraide mutuelle et de fierté collective. La laïcité ne répond pas aux questions fondamentales : d’où venons-nous, où allons-nous ? […] La laïcité ne peut pas remplacer la religion sinon elle devrait devenir elle-même une religion. Et si elle devenait une religion, elle ne serait plus ce qu’elle est : elle serait la religion de certains contre d’autres et non pas un cadre de coexistence de plusieurs valeurs, simplement une valeur parmi d’autres. »

Il y eut encore deux autres thématiques durant une semaine : Au retour des vacances d’été, une semaine consacrée à Michel Rocard (N°740 à 744) qui venait de mourir au début de l’été et qui était l’homme politique français dont je me sentais le plus proche depuis que j’ai accédé à la réflexion. Et enfin, il y eut 5 mots de jour (790 à 794) qui interrogeaient la méritocratie, ses limites et surtout ses dérives.

Mais il n’y eut pas que des thématiques, il y eut aussi des mots isolés qui à la relecture me semblent très intelligents au sens de ce que Michel Serres expliquait dans le 800ème mot du jour.

Mais je vous en parlerai demain.

<Message hors numérotation>

Lundi 5 décembre 2016

Lundi 5 décembre 2016
« L’intelligence est imprévisible et mystique»
Michel Serres
Nous sommes arrivés, ce matin, au 800ème mot du jour de cette série qui a commencé le 9 octobre 2012.
Ce matin, je souhaite vous parler d’intelligence ou plutôt laisser Michel Serres en parler.
Il participe chaque dimanche, sur France Info, à une chronique de quelques minutes qui s’appelle « Le sens de l’info » et dans laquelle, il déploie un regard décalé et analytique sur un sujet librement choisi.
Dans l’une de ces émissions, il a essayé d’expliquer l’intelligence et a eu cette phrase : «L’intelligence est imprévisible et mystique.»
Vous pourrez l’écouter avec beaucoup d’intérêt. Mais je me souviens d’une émission plus ancienne où il avait développé la même pensée d’une manière très originale qui m’avait beaucoup marqué. La preuve c’est que je m’en souviens encore :
« Définir l’intelligence, ce n’est pas simple.
Par contre il est plus simple de définir, la bêtise.
La bêtise, c’est l’apanage des bêtes. Un chasseur connaît bien cela. Une bête réagit toujours de la même manière en face d’une stimulation définie. Dès lors, le chasseur sait ce qu’il doit faire pour que la bête réagisse d’une manière attendue. Ainsi, il peut l’abattre.
L’intelligence cela doit être le contraire.
L’intelligence est imprévisible, elle n’est jamais là où on l’attend.
L’intelligence vous permet d’apprendre quelque chose de neuf même sur ce que vous pensiez connaître. Elle vous en montre un autre aspect, une autre manière d’aborder la question ou de la résoudre. »
Je trouve cette distinction particulièrement féconde. Est bête, celui qui réagit de manière prévisible, dont on sait par avance quelle sera son action, sa réponse.
L’intelligence, ce n’est certainement pas raconter n’importe quoi pour faire l’intéressant ou encore dire le contraire des autres pour surprendre.
Quand l’intelligence nous parle, nous devons être interloqué parce qu’elle révèle quelque chose que nous n’avions pas exprimé ou réfléchi explicitement mais qui nous ouvre d’autres pistes de compréhension et de réflexion.
C’est ce que je tente dans cet exercice quotidien qui constitue un vrai travail comme l’a dit, un jour, une des destinataires de ce mot.
Et si cela peut vous apporter des éléments de réflexion et des perspectives nouvelles, j’en serai très heureux.
Ce que je crois, de plus en plus, c’est que nous devons avoir le courage de sortir de notre confort intellectuel quotidien fondé sur des convictions fragiles, des intuitions erronées.
L’autre jour j’ai entendu un scientifique dire cette évidence, nous devons nous méfier de nos intuitions, beaucoup de découvertes ou de lois scientifiques sont violemment contre intuitives.
Prenons un exemple tout simple, la science nous dit : la terre tourne autour du soleil. Quand vous êtes sur terre et que vous regardez sans a priori le ciel, les jours et les nuits, intuitivement, ce n’est pas ce que vous voyez. Vous, vous voyez le soleil qui se lève et se couche à l’horizon et qui tourne autour de la terre !
Vous savez que si on n’applique pas la théorie de la relativité, nos GPS sont tous faux. Il faut appliquer un correctif directement issu de la théorie d’Einstein pour que l’information sur votre géolocalisation soit moins fausse ou plus juste selon votre point de vue. Depuis notre enfance nous avons une connaissance intuitive de la notion de «temps». Dans la théorie de la relativité, le temps au sens de notre intuition : un instant origine puis un temps qui s’écoule en heures, minutes, secondes n’existe pas. Ce qui existe c’est une durée locale, pour les personnes et les choses qui se trouvent dans un même lieu et qui se déplacent à une vitesse comparable. C’est terriblement déstabilisant cela.
Et je ne vous parle pas de la mécanique quantique où toutes nos représentations du réel sont anéanties. Or, mon professeur de l’Histoire des sciences,  Girolammo Rammuni qui est intelligent au sens de Michel Serres, disait : je ne monte pas dans un avion qui a été conçu par une personne qui nie la mécanique quantique. Dans notre quotidien technologique, les conséquences des lois de la mécanique quantique sont encore beaucoup plus présentes que la théorie de la relativité.
Nous devons donc nous méfier de nos intuitions et essayer de trouver l’intelligence, plus précisément les femmes et les hommes qui manifestent cette intelligence qui nous permet d’avancer.

Vendredi 2 décembre 2016

Vendredi 2 décembre 2016
«El Camino»
Projet pédagogique mis en œuvre à Pau sur la base d’une éducation musicale
J’ai entendu parler de cette initiative dans cette émission de France Inter : https://www.franceinter.fr/emissions/un-jour-en-france/un-jour-en-france-16-juin-2016
Vous trouverez plus d’informations sur le site de l’association : http://elcamino-pau.org/ :
«Elle est née à l’initiative de Jean Lacoste, adjoint à la culture, le projet El Camino a été soutenu et voulu par le maire de Pau : François Bayrou qui en a confié la réalisation à Fayçal Karoui.
[Fayçal Karoui est chef d’orchestre et] ne cesse de transmettre sa passion de la musique à tous, y compris aux personnes les plus éloignées de la musique symphonique. Sous son impulsion, l’OPPB a tissé de nombreux liens avec les élèves des écoles paloises, les étudiants de l’Université ou encore les habitants des quartiers prioritaires de la ville. Plus de 10.000 enfants sont accueillis chaque année lors des répétitions et l’Orchestre n’hésite jamais à prendre ses quartiers dans les quartiers, à inviter sur scène des artistes des cultures urbaines et à créer des événements jusque dans les appartements où des concerts se partagent entre voisins, avec pour seule et magnifique ambition de faire partager l’émotion musicale au plus grand nombre.
C’est dans cette continuité qu’est né El Camino, un orchestre de jeunes basé sur l’expérience de l’OPPB et les liens étroits de cet orchestre avec sa ville et ses quartiers. Mettant toute son énergie au service de ce projet, Fayçal Karoui a su fédérer et il a rencontré une formidable adhésion des familles, puisque 127 enfants issus de 9 écoles et 3 quartiers, dont 2 prioritaires, participent à cette aventure depuis le 5 octobre 2015.
Basé sur une pédagogie alternative et innovante, par l’apprentissage collectif de l’instrument, les enfants s’initient à l’orchestre de façon intensive (7h30 par semaine) en étant encadrés par des musiciens de l’Orchestre de Pau Pays de Béarn. […]
Ce programme dépasse la pratique musicale pour offrir aux enfants l’opportunité de découvrir leurs capacités et s’approprier les valeurs d’El Camino.
El Camino repose sur 5 piliers :
– l’absence de sélection, tous les enfants sont accueillis
– l’apprentissage de l’instrument par la pratique collective et ludique
– l’intensivité obligatoire et exigeante (7h30 par semaine)
– une pratique dans un lieu dédié au projet, havre de paix et lieu refuge
– donner un premier concert dans les 4 premiers mois
L’ensemble du dispositif, comprenant le transport depuis l’école, les instruments, les cours et répétitions, les concerts, le chœur des parents, est entièrement gratuit.»
El Camino reprend les bases d’un programme d’éducation musicale fondé en 1975 au Venezuela <El Sistema>. Faire de la musique et jouer en groupe auraient des résultats fascinants en termes d’intégration, de discipline, de lutte contre l’absentéisme scolaire.
Il y a même un site français et qui parle d’une initiative alsacienne : http://www.elsistema-france.org/
El Sistema est une réalisation formidable dont est issu un des plus grands chefs actuels Gustavo Dudamel et surtout un orchestre incroyable : The Venezuelan Youth Orchestra Simón Bolívar
Cet orchestre rivalise avec les plus grands et ce qui est extraordinaire c’est l’enthousiasme de ces jeunes qui n’enlève en rien leur professionnalisme et la qualité de leur interprétation

Jeudi 1 décembre 2016

« La symphonie Pathétique »
Piotr Ilitch Tchaïkovski

La symphonie Pathétique est la sixième et dernière symphonie de Tchaïkovski. Léonard Slatkin et l’Orchestre National de Lyon ont interprété toutes les symphonies du compositeur russe et ont terminé samedi 26 novembre par une interprétation exceptionnelle et bouleversante de la symphonie pathétique.

Mais l’objet de ce mot du jour n’est pas principalement la musique.

Ce que l’on sait et qui est certain, c’est que cette œuvre a été créée à Saint Pétersbourg, sous la direction du compositeur, le 28 octobre 1893 et que Piotr Ilitch Tchaïkovski est mort en pleine gloire le 6 novembre 1893, 9 jours après, à l’âge de 53 ans.

Ce qui n’est pas établi formellement mais très probable c’est qu’il soit mort du choléra, comme sa mère, alors qu’une épidémie s’était répandue dans la ville, ce que tout le monde savait.

Ce qui est aussi très documenté aujourd’hui mais a été caché longtemps c’est l’homosexualité de Tchaïkovski ainsi que son mal être et sa difficulté de vivre ses pulsions dans une société qui rejetait cette tendance sexuelle et la considérait comme une perversion insupportable.

La suite de cette histoire est plus trouble, mais la grande écrivaine russe Nina Berberova a, dans sa biographie du compositeur, développé une thèse qui se racontait de bouche à oreilles, comme un secret inavouable.

Selon Wikipedia, cette théorie fut aussi présentée par la musicologue russe Alexandra Orlova en 1979 après son émigration aux États-Unis, sur les bases de révélations qui lui furent faites en 1966 par Alexander Voitov, élève et historien du Collège impérial de la Jurisprudence de Saint-Pétersbourg.

 

Tchaïkovski aurait contracté le choléra en buvant en pleine conscience un verre d’eau de la Neva non stérilisée. Ce serait donc un suicide.

Cette théorie raconte l’histoire suivante : Tchaïkovski a eu une relation homosexuelle avec un jeune officier Victor Stenbock-Fermor qui était d’une famille princière liée au Tsar de Russie. L’oncle de cet officier, le prince Stenbock-Fermor, maréchal du palais a dénoncé le compositeur par une lettre au procureur.

Le scandale allait éclater, le plus grand compositeur russe vivant allait être arrêté et jugé pour cette dépravation extrême : l’homosexualité. Des amis de Tchaïkovski et des hauts dignitaires du Palais pour éviter ce scandale qui aurait touché un homme célèbre mais aussi toute la Russie ont alors trouvé la solution de réunir secrètement «un tribunal d’honneur» constitué d’anciens étudiants du Collège impérial de la Jurisprudence de Saint-Pétersbourg » pour juger Tchaïkovski. Ce tribunal aurait condamné le compositeur à se suicider.

Dans Wikipedia on lit :

« Après sa mort, il bénéficie de funérailles nationales à la cathédrale Notre-Dame de Kazan auxquelles assistent près de 8 000 personnes. Le cercueil de Tchaïkovski est porté par des proches, dont le prince Alexandre d’Oldenbourg (1844-1932), cousin de l’empereur, les frais des funérailles étant couverts par la Maison de Sa Majesté impériale. Le chœur de la cathédrale et le chœur de l’Opéra impérial russe accompagnent la cérémonie, en présence de son ami le grand-duc Constantin de Russie qui écrit le lendemain dans son Journal que « les murs de la cathédrale n’étaient pas suffisants pour contenir ceux qui voulaient prier pour le repos de l’âme de Piotr Ilitch ».

Cette histoire rappelle celle d’Alan Turing, le génial scientifique qui s’est suicidé en mangeant une pomme empoisonnée et qui avait fait l’objet du mot du jour du 31/12/2013.

En ce moment, au Maroc <Deux adolescentes sont jugées pour homosexualité parce qu’elles ont échangé un baiser>, elles risquent 3 ans de prison. Peine légère si on la compare à d’autres sanctions appliquées dans des pays théocratiques islamiques.

En France, des maires se sont opposés à l’affichage d’une campagne de prévention contre le sida, parce que les affiches montraient, de manière pudique, des homosexuels qui était la cible visée par cette campagne.

Depuis Tchaïkovski, la lutte contre la discrimination homophobe a certes progressé, parfois on a cependant le sentiment d’une régression dans notre pays, dans d’autres pays tout reste à faire.

Pour revenir à la symphonie Pathétique, Ken Russell a réalisé, en 1969, un film <The Music Lovers>, dont le titre français est «la symphonie pathétique» qui évoquait de manière explicite l’homosexualité de Tchaïkovski.

<Vous trouverez ici une belle interprétation de cette symphonie> par le grand chef russe Evgeny Svetlanov.

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